La carrière francophone de Strange Magic est particulièrement compliquée dans la mesure où l'énorme flop rencontré par le film aux Etats-Unis à l'époque a sabordé la carrière internationale du film. Il est ainsi distribué directement en DVD en édition limitée au Canada le 19 mai 2015, en version originale sous-titrée uniquement. Toutefois, le film redevient à nouveau disponible à l'ouverture de Disney+, toujours sans doublage français, le 12 novembre 2019 cette fois sous le titre Magie d'une nuit d'été. En France, alors qu'il était au départ annoncé en salle pour le 25 février 2015, sa sortie est finalement annulée, le film n'étant d'ailleurs pas doublé. Le film arrive pour la première fois en France à l'ouverture de Disney+ le 07 avril 2020, dans un premier temps toujours exclusivement sous-titré. Un doublage français est finalement rajouté par la suite, réalisé en Belgique, sans que je connaisse la date exacte de cet ajout.
Alors que la Princesse Marianne s'apprête à se marier, elle découvre au tout dernier moment que son prétendant n'est pas du tout amoureux d'elle. Ses espoirs réduits à néant, celui-ci découvre l'existence d'une mystérieuse potion magique capable de rendre amoureux n'importe qui. Mais, pour pouvoir en fabriquer, il faut une fleur que l'on ne trouve que dans la sinistre forêt sombre gardée farouchement par le sinistre Roi Bog...
Lorsqu'on évoque Georges Lucas, il est de notoriété publique que le meilleur jeu international est de dénigrer tout ce qu'il a produit. Depuis le rachat de Lucasfilm en 2012, le focus s'est depuis beaucoup focalisé sur Disney, sans qu'en soient épargnées les anciennes productions de Georges Lucas pour autant. Il y a parfois des réhabilitations qui surviennent avec le temps, comme c'est aujourd'hui le cas de la Prélogie Star Wars, pourtant conspuée de toute part à l'époque de sa sortie. Curieusement, lorsqu'il s'agit d'évoquer le cas de Strange Magic, il semble que ce long métrage d'animation ait toujours été considéré comme le meilleur de tous les punching-ball depuis dix ans. En tant qu'oeuvre testament, la toute dernière sur laquelle Georges Lucas a travaillé, tout un chacun semble y voir tout ce que Georges Lucas a pu faire de pire dans toute sa filmographie réunie dans un unique long métrage. Pourtant, en gardant un certain détachement émotionnel, il est indéniable que Strange Magic ne ment pas sur ce qu'il propose. On se retrouve une fois encore face à une approche narrative un peu candide enrobée d'un univers merveilleux mais non dénué de noirceur. Même la mythique saga Star Wars colle à cette description car Georges Lucas veut surtout s'adresser aux enfants, et à ceux qui sommeillent dans les adultes, mais sans forcément chercher à être universel. Strange Magic annonçait la couleur dès le départ, le film était pensé et voulu pour s'adresser en priorité aux jeunes filles. Un public auquel ne s'adressait pas vraiment la plupart de ses anciennes productions, plutôt à destination masculine. Georges Lucas n'avait jamais vraiment réussi à produire des oeuvres pour ses filles, ce que Strange Magic devait réparer.
De toutes les tendances que j'ai pu observer, il ne fait aucun doute que Strange Magic est un film extrêmement détesté, particulièrement par les fans de Georges Lucas. Comme il est souvent de coutume, j'ai un avis nettement plus nuancé envers ce long métrage. Probablement parce que j'ai englouti de trop nombreuses atrocités animées depuis deux décennies maintenant. Certains d'entre vous vont sans doute faire immédiatement le rapprochement avec une tout aussi célèbre saga mettant en scène une princesse se changeant en cygne que je me suis lourdement infligée pendant quelques années. Il est vrai que je n'en suis pas ressorti indemne avec elle. Toutefois, le pire film que j'ai eu le déplaisir de voir fut en réalité Alpha et Omega - À la recherche des dinos, une atrocité innommable et seule oeuvre à ce jour affublée d'un zéro pointé sur le site, produite par le même studio cependant, où mon cerveau a complètement explosé quand des dinosaures se sont mis à chanter et danser sur une musique Pop. Strange Magic, en comparaison, c'est un agréable sucre d'orge qui réinitialise toutes formes de perceptions négatives. A cela s'ajoute le fait que l'univers visuel fantastique de Strange Magic est un classique du genre en animation, dont existe un prédécesseur déjà tourné en 3D, le confidentiel Delgo, qui se révèle qualitativement très inférieur à Strange Magic. Mais alors, pourquoi tant de haine envers ce film ? J'avouerai que je l'ignore.
Car Strange Magic possède un certain cachet. Il est vrai que l'esthétique a de quoi troubler les spectateurs. Pour autant, les figures grotesques sont récurrentes dans l'univers de Georges Lucas : Jabba le Hut, le Rancor, Watto, certains y mettront malicieusement aussi Jar Jar Binks pour Star Wars, le monstre à deux têtes dans Willow, presque tous les personnages secondaires de Labyrinthe... Bref, Strange Magic est très loin d'être un cas isolé puisqu'il reprend les codes graphiques habituels de l'artiste dans une monde cette fois à 100% fantasy. Alors, est-ce que Strange Magic pêche par son scénario ? Il est vrai que l'intrigue semble un peu confuse et parfois expéditive, mais là encore, Georges Lucas a prouvé qu'il ne savait pas toujours bien mettre en scène les relations amoureuses à l'écran, Anakin et Padmé sont là pour le prouver. Malgré tout, il y a quelques bonnes idées et un peu de profondeur dans la relation qu'entretiennent Marianne, la princesse des fées, et Bog, le roi de la forêt sombre. Le scénario emprunte des éléments à Le songe d'une nuit d'été de William Shakespeare auxquels se greffent le mythe de la belle et la bête, tout en s'inscrivant dans la tradition du récit initiatique. Là où Strange Magic innove, c'est en ne mettant pas en scène des héros, mais au contraire des antihéros, notamment le roi Bog qui finit par attirer la sympathie malgré son physique. Là encore, c'est quelque chose que l'on retrouve déjà ailleurs dans la filmographie de l'artiste, y compris dans Star Wars, même si je vais sans doute me mettre à dos les fans en écrivant ça. La caractéristique principale de tous les récits de Georges Lucas est d'avoir toujours gardé un côté puéril.
Alors, est-ce que Strange Magic cloche pour sa bande originale ? Par vraiment non plus, car nous ne sommes pas non plus en terrain inconnu. Dès 1986, Georges Lucas faisait chanter David Bowie dans le film fantasy Labyrinthe, il intégrera d'ailleurs aussi quelques morceaux musicaux inédits, tout autant que décriés, lorsqu'il révise sa Trilogie à partir de 1997. Là encore, avec Strange Magic, l'artiste a toujours fait valoir que ce serait avant tout un grand récit musical. Il envisageait d'ailleurs à l'origine que l'intégralité du film soit chanté, ce qui s'est sans doute avéré trop complexe pour être finalement concrétisé. A partir du moment où l'on intègre cet aspect de l'oeuvre, et qu'on lui adjoint le principe du pastiche, la bande originale du long métrage n'est finalement pas si désagréable à écouter. Elle s'intègre d'ailleurs plutôt bien dans le récit, puisque la plupart des numéros musicaux et les chansons associés ont tous été pensés pour être cohérent avec l'intrigue. En soit, la construction du récit suit la même logique narrative que celle adoptée par la série télévisée Glee. Celle-ci, plutôt que de construire son histoire et y ajouter ensuite des chansons, faisait en réalité le pari inverse. En d'autres termes, l'équipe de Glee choisissait d'abord les chansons qu'ils voulaient absolument intégrer, puis bâtissait une intrigue autour. Strange Magic repose sur le même principe où la dizaine de chansons portées par les personnages ont été choisies pour servir ensuite le récit construit tout autour. Ce qui rend évidemment les enchaînements un peu chaotiques entre les scènes, mais qui ne détonne finalement pas vraiment avec l'univers du film.
Alors, qu'est-ce qui peut bien clocher avec Strange Magic ? Peut-être le deal avec Disney ? C'est une possibilité à ne pas négliger. Lors du rachat de Lucasfilm en 2012, le contrat stipulait que Strange Magic devait être finalisé. Le projet, en gestation depuis une dizaine d'année à ce moment-là, était déjà trop avancé pour être abandonné mais, visiblement, Disney ne savait pas vraiment par quel biais le prendre. Totalement caché à la vue de tous pendant trois années, Strange Magic est finalement annoncé dans la précipitation en novembre 2014 pour une sortie en salles en janvier 2015 aux Etats-Unis. A ce moment-là, tout le monde est complètement pris de court, ce qui engendre l'un des plus gros flop de tous les temps pour un film d'animation et lui coupe la route des autres territoires. A tel point qu'il a fallu attendre l'arrivée de Disney+ pour le voir enfin débarquer en France. Avec le recul, on peut se dire que Disney aura malmené le projet en l'éloignant de la vision originale de Georges Lucas. Car, en réalité, bien qu'il en ai imaginé le concept et le fil conducteur du film, ce sont en réalité David Berenbaum, Irene Mecchi et Gary Rydstrom qui signent le scénario final. Aujourd'hui, il est assez flagrant de constater que Disney a surtout acheté une franchise lucrative mais sans avoir jamais eu envie de suivre la ligne de conduite adoptée par Georges Lucas. En témoigne tout l'héritage de la saga Star Wars, jeté dans ce qu'ils ont appelé l'Univers Légendes, afin de pouvoir faire tout ce qu'ils en veulent depuis lors. Ce qui a conduit à d'innombrables crispations parmi les fans.
Bref, j'ai eu beau creuser la question, je ne peux faire qu'un seul constat : Strange Magic est bien loin d'être l'infamie annoncée partout. J'ai connu franchement bien pire que lui. Tout au contraire, je trouve le long métrage plutôt sympathique pour ce qu'il a à offrir. Même s'il n'innove pas vraiment dans le registre fantasy dans lequel il s'inscrit, l'univers est plutôt sympathique dans son ensemble. Certes, le film est souvent puéril dans son approche mais évite quand même d'être un peu trop manichéen. De fait, malgré l'aspect un peu repoussoir des protagonistes, on arrive finalement à les apprécier sur la durée. Évidemment, on aurait apprécié d'avoir quelque chose de plus flamboyant de la part de Georges Lucas avant son retrait de la scène. Cela n'en fait donc évidemment pas une oeuvre incontournable du cinéma d'animation mais qui s'en sort nettement mieux que certaines atrocités pondues par la concurrence.
Olivier J.H. Kosinski - 29 novembre 2024
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Doublage (Belgique - 202?)
Bog : Erwin Grunspan
Marianne : Myriem Akheddiou
Sunny : Alessandro Bevilacqua
Diane : Maia Baran
Roland : Pierre Lognay
Fée Dragée : Séverine Cayron
Griselda : Léonce Wapelhorst
Roi des Fées : Martin Spinhayer
Bidule : Michel Hinderyckx
Truc : Franck Dacquin
Brutus : Jean-Michel Vovk
Kéké : Claudio Dos Santos
Sources :
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