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Belvision
Objectif Lune

Les aventures de Tintin, d'après Hergé

Objectif Lune est, chronologiquement, le premier épisode en couleurs de Tintin réalisé dès 1959, cependant il fut le second a avoir été diffusé à partir de 1962 dans le cadre de la nouvelle série Les aventures de Tintin, d'après Hergé en France. Il s'agit également du premier, et seul épisode, dont la réalisation fut partagée entre Los Angeles et Bruxelles. La collaboration ayant été jugée insatisfaisante par Belvision, le reste de la série a été confiée à une nouvelle équipe franco-belge, qui s'occupera des 6 autres épisodes, sur les 7 existants, de la série. Il existe donc une très forte dissonance visuelle entre Objectif Lune et les autres épisodes de la série.

A l'origine, Objectif Lune est un feuilleton télévisé composé de 22 épisodes. Ils furent finalement réunis ensemble pour former un long métrage de 1h45mn durant les années 1980 lors de leur commercialisation en VHS. Depuis, cette histoire, comme l'ensemble de la série, n'ont plus été commercialisées.

L'intrigue

Sapristi, Milou a été envoyé par erreur sur la Lune ! Tintin, le capitaine Haddock et le professeur Tournesol décident d'avancer leur mission spatiale afin de lui porter au plus vite secours. Mais un homme s'infiltre dans la fusée lunaire avec, pour principale mission, d'éliminer tous les occupants afin de s'en accaparer la technologie...

Analyse de l'oeuvre

Pour les amateurs des oeuvres de Hergé, le dyptique Objectif Lune et On a marché sur la Lune fait généralement parti des meilleures bandes dessinées réalisées par l'auteur belge. Quand on se penche sur la biographie de Hergé, il est d'ailleurs étonnant de constater que la plupart de ses meilleures oeuvres correspondent à ses périodes les plus sombres. Hergé était en effet un homme qui souffrait de dépressions chroniques, héritage malheureux du côté de sa mère qu'il a vu peu à peu être emportée par la folie. Hergé souffrait sans nul doute également de burn out, même si ce terme n'existait pas encore à l'époque, au vu de la masse de réalisations qu'il doit réaliser en parallèle, notamment la refonte en couleurs d'anciens albums en plus de la réalisation de nouvelles histoires. Objectif Lune n'échappe pas à cette période cyclique de la vie de l'auteur, puisqu'il doit totalement interrompre la création de nouvelles planches pour se couper du monde de la bande dessinée et, ce, durant plus d'une année ! Lorsqu'il retourne devant sa table à dessin, il livrera sans nul doute sa plus célèbre oeuvre d'anticipation en faisant fouler du pied la Lune par son héros, deux décennies avant le tout premier alunissage le 21 juillet 1969. Paradoxalement, bien que je lui reconnaisse des qualités, ce dyptique m'a toujours laissé indifférent. Probablement la faute à un monde que j'ai toujours connu où la conquête spatiale existait déjà. Fouler la Lune ne me fait pas rêver.

Bien qu'elle ai été diffusée en tant que deuxième histoire de la nouvelle série Les aventures de Tintin, d'après Hergé, Objectif Lune est en réalité chronologiquement la toute première production animée tout en couleurs du célèbre héros à la houpette réalisé dès 1959. Toujours en quête de son rêve américain, auquel Hergé s'accroche alors que Tintin n'a jamais réussi à y percer, l'auteur se laisse toutefois convaincre par Raymond Leblanc de laisser une nouvelle chance au reporter de revenir une nouvelle fois à l'écran. La carrière de Tintin en animation n'est pourtant pas des plus heureuses jusque là. Entre un long métrage animé en poupée de chiffon qui n'est aujourd'hui célèbre que pour sa très brève carrière cinématographique, et l'expérience ratée de feuilleton télévisé sur la RTF (Radiodiffusion-télévision française), il n'y a effectivement pas de quoi se féliciter. Mais le rêve américain de Hergé est tenance, aussi se laisse-t-il convaincre de s'associer avec un studio américain qui apportera les compétences nécessaires au retour de Tintin à l'écran. Pour cela, Hergé et Raymond Leblanc rencontrent en 1959 Larry Harmon, le président of Larry Harmon Pictures Corporation à qui l'on doit Bozo le clown, la série animée Laurel et Hardy et Tom et Jerry, ainsi que Charlie Shows, célèbre scénariste pour les productions Hanna-Barbera.

La première collaboration américano-belge va porter sur l'adaptation de Objectif Lune et On a marché sur la Lune, pile poil en pleine période de conquête spatiale que commencent à se livrer les Etats-Unis et l'URSS. Malheureusement, Hergé et Raymond Leblanc déchantent très vite, particulièrement le premier, car il voit son travail complètement métamorphosé par l'équipe américaine qui ne se contente pas d'adapter l'histoire. Elle s'approprie en effet totalement les personnages et l'intrigue, livrant quelque chose qui est à mille lieu d'être reconnaissable pour les amateurs du dyptique spatial de Tintin. Alors que la production de Objectif Lune est déjà largement entamée, Raymond Leblanc remercie Larry Harmon avec qui il décide de ne plus collaborer au delà de cette première et unique histoire, se tournant alors vers un partenaire européen, français en l'occurrence, Télé-Hachette, avec qui il poursuivra la réalisation de tous les autres épisodes de la série Les aventures de Tintin, d'après Hergé. Seul Charlie Shows continuera à être partie prenante de la nouvelle aventure animée de Tintin, alors même que lui et Hergé ne s'entendait guère. Le second reprochant évidemment une trop grande prise de liberté sur son oeuvre au premier.

Il ne fait aucun doute que, sur ce point, Objectif Lune n'a franchement plus rien à voir avec le dyptique tel qu'on le connaît en album. En dehors de quelques éléments, comme la Syldavie, les personnages, la fusée et le fait de vouloir poser le pied sur la Lune, cette aventure animée est une nouvelle aventure totalement inédite sans rapport aucun avec l'intrigue développée par Hergé. Bien que cette aventure porte le titre de Objectif Lune, elle ne garde de son contenu qu'une portion congrue, en réalité il s'agit juste de présenter les personnages, faire un résumé générique de leurs aventures, dont un tout petit passage en Afrique ce qui constitue donc, à ce jour, l'unique adaptation animée du controversé Tintin au Congo, puis d'envoyer Tintin et Haddock en Syldavie rejoindre le professeur Tournesol. Là bas, alors qu'un espion rode, Milou est expédié malgré lui dans une autre fusée expérimentale et tout le monde doit donc partir le secourir sur la Lune. De l'oeuvre d'anticipation élaborée par Hergé, Charlie Shows la transforme en une sorte de récit d'espionnage à la mode durant les années 1950, en ne faisant preuve d'aucune réelle rigueur dans son approche narrative. Des erreurs assez grossières ponctuent l'aventure de-ci, de-là, comme les incohérences, à l'image de la réserve d'air des combinaisons spatiales censées ne tenir qu'une heure au début, mais qui maintiennent en vie six personnages durant toute une nuit à la fin !

Visuellement, Objectif Lune est très tâtonnant. Incontestablement, c'est une oeuvre de transition parfaitement à mis chemin entre l'animation hachée et risible de Le sceptre d'Ottokar et du plus réussi L'étoile mystérieuse produit quelques années après. On y retrouve quasiment tous les codes visuels des comics de science-fiction américain des années 1950 et 1960, avec son lot de rebondissements insensés, ces scènes d'action omniprésentes, sans compter tous les clichés des polars américains. On a d'ailleurs beaucoup de mal à reconnaître les personnages dont la physionomie établie par Hergé n'est finalement guère respectée. Tintin a par exemple une tête très allongée et un corps aux proportions peu réalistes qui frisent, parfois, le surréaliste (à la limite d'un grand singe, avec un grand haut de corps posé sur des jambes très courtes). Ironiquement, alors que Objectif Lune et On a marché sur la Lune sont des oeuvres très adultes dans leur construction, la version animée fait preuve d'une pudibonderie excessive, à l'exception de l'usage d'arme à feu dont Charlie Shows semble adorer montrer en gros plans, puisque absolument aucun personnage ne va trépasser au terme de l'aventure. Le destin de Jorgen, et surtout de Wolff, marquaient particulièrement dans les albums.

En soit, Objectif Lune n'est pas foncièrement une mauvaise adaptation. Dans son ensemble, je peux même avancer qu'elle est plutôt intéressante à regarder tant elle diffère des albums dont elle s'inspire très vaguement. Le problème, c'est que cette adaptation est jalonnée de nombreux grains de sables qui grippent incontestablement l'intérêt au fur et à mesure que les minutes défilent. Bout à bout, l'animation hésitante, voire carrément ridicule (Tintin marchant sur la fusée est à mourir de rire), les incohérences ou les invraisemblances de l'intrigue finissent par nous sauter à la figure au point de ne plus voir qu'elles. Dès lors, peu à peu, Objectif Lune rejoint péniblement la longue liste des adaptations animées ratées auquel Tintin semble décidément cantonné.

Olivier J.H. Kosinski - 16 août 2019

Bande annonce

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Voxographie Francophone

Doublage (Belgique - 1962)

Tintin : Georges Poujouly

Capitaine Haddock : Jean Clarieux

Professeur Tournesol : Robert Vattier

Dupondt : Hubert Deschamps

Sources :
Planète Jeunesse

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