Ruby, l'ado kraken est proposé en avant-première mondiale le 15 juin 2023 au festival d'Annecy, puis il sort officiellement en salle en France le 28 juin 2023 et, deux jours plus tard, le 30 juin 2023 au Québec sous le titre de Ruby Gillman, la jeune kraken. Le long métrage bénéficie de deux doublages francophones.
Âgée de 16 ans, Ruby Gillman est aussi maladroite qu'adorable. Elle tente désespérément de trouver sa place au lycée d'Oceanside, où elle a l'impression d'être totalement transparente. De plus, elle ne peut pas fréquenter les élèves les plus intéressants du lycée, car sa mère, qui la surprotège, lui a formellement interdit de se baigner dans l'océan. Mais un jour, elle lui désobéit et brise cette règle d'or. Elle découvre alors qu'elle est la descendante directe de la lignée des reines guerrières kraken...
J'imagine sans mal la scène de panique qui gagne soudain l'équipe de Dreamworks lorsque, à peine affolé, un membre de l'équipe lance à la cantonade : "Les gars, notre concurrent Pixar vient de sortir Alerte Rouge qui, dans les grandes lignes, raconte à peu près les mêmes problèmes existentiels d'une adolescente sur-couvée par sa mère ! Qu'est-ce qu'on fait ?". Et là, après de terribles longues minutes d'hésitation, une tête d'équipe finit par décider "Bon sang, c'est pas vrai. Avec le COVID, tout le monde est en télétravail, il est inenvisageable de se réunir pour remanier complètement le scénario, d'autant plus que la conception du film est beaucoup trop avancée pour l'abandonner en cours de route, on fait avec et tant pis pour la comparaison inévitable. C'est pas comme si c'était la première fois qu'on était comparés à eux de toute façon." Et la production du film s'est poursuivie sans que plus personne ne trouve rien à y redire. Bien évidemment, une fois le film montré en salle, celui-ci n'a vraiment pas du tout été apprécié conduisant le studio Dreamworks à réduire drastiquement la voilure. A un tel point que le studio a décidé de se restructurer récemment et se séparer d'une partie de ses équipes. Ruby, l'ado kraken méritait vraiment ce désamour ? Je trouve que non. Certes, il est très loin d'être le film de l'année mais, dans les grandes lignes, c'est un sympathique divertissement rempli de bonnes idées et de couleurs éclatantes. Bien sûr, le film échoue sur certains points, mais il se rattrape sur d'autres. En tout cas, rien qui ne justifie qu'il se soit ramassé au box office. Dreamworks avait déjà produit des films dont l'intrigue tenait sur un timbre poste à l'époque, pourtant beaucoup avaient cartonné en salle. Ruby, l'ado kraken en est leur héritière.
Le grand public a vite fait de rapprocher Ruby, l'ado kraken et Alerte Rouge, ce qui est normal puisque l'on rencontre deux personnages dont le destin est globalement similaire. C'est toutefois vite oublier que même le film Pixar était loin de faire dans l'originalité. L'être mystique caché au fond de l'âme d'un personnage est un conte initiatique aussi vieux que la fiction elle-même. Le personnage est, d'une certaine façon, possédé par une influence magique qui prend possession de son être, avant qu'il ne subisse toute une série d'épreuves qui vont l'obliger à s'accepter. C'est bien évidemment une allégorie du passage de l'enfance à l'âge adulte que l'on trouve dans toutes les fictions à destination des adolescents. Ruby, comme Mei, doivent donc en passer par là. Mais Pixar et Dreamworks ne traitent pas le sujet de la même manière. La différence fondamentale entre les deux : Mei est une jeune fille qui ne pense qu'à elle, au détriment de tout son entourage, tout comme elle n'accepte pas l'autorité parentale alors que Ruby tente de se fondre dans la masse, pense venir en aide en quelqu'un pour régler un conflit familial, mais se trouve frustrée de découvrir qu'on lui a volontairement caché ses origines. Dès lors, malgré l'intrigue somme toute assez banale, Ruby devient irrésistiblement attachante. Même si l'on sait, plus ou moins, où l'intrigue veut nous mener, on apprécie les nombreux efforts qu'elle fait pour trouver sa voie.
L'une des forces de Ruby, l'ado kraken est son incontestablement son esthétique. Le long métrage ressemble à un jeu de construction pour enfants mais avec des structures organiques, tout en rondeur. L'univers du film est très chatoyant rappelant aussi, parfois, l'esthétique d'un film en stop motion. Les vêtements, et certaines coupes de cheveux, revêtent un aspect très laineux dont l'effet vidéo est très réussi. Ruby, l'ado kraken est aussi remarquable par son déluge de couleurs, ainsi qu'un festival de paillettes et de lumières diverses que l'on retrouvait principalement dans Les Trolls jusqu'à présent. Le long métrage s'échine également à faire passer Ruby comme un personnage "normal" au milieu d'une masse franchement "anormale". Si l'on prend le temps de regarder les badauds qui se promènent en arrière-plan, on remarque assez vite que tous les protagonistes sont eux aussi de vrais phénomènes de foire : femme au buste mince mais avec des pieds et des jambes disproportionnés, un gars avec une pelote de laine sur la tête, un jeune adolescent ayant une tête anormalement minuscule, un adulte avec une tête de bambin, j'en passe et des meilleures. Une façon d'autant plus habile d'introduire Chelsea qui se démarque idéalement par rapport à tous les autres. Dommage que ce personnage soit aussi prévisible, dès son apparition à l'écran, car il forme un très joli duo avec Ruby. Une fois dans l'océan, le long métrage fait constamment des jeux de lumières chaleureux qui contrastent avec le côté sombre et froid que l'on s'attend à voir au fond du milieu marin. Dans les deux cas, c'est une réussite.
Au final, Ruby, l'ado kraken est loin d'être le film d'animation de l'année 2023. Par certains côtés, ses nombreuses inspirations d'anciennes productions le déservent un peu tant elles se révèlent évidentes. Par exemple, on trouve une dose de La petite sirène 2 - Retour à l'océan concernant la relation mère-fille, une touche d'entité magique comme Alerte Rouge, une quête initiatique à la Pinocchio et, plus étonnant, un final pioché dans Pacific Rim. Malgré tout, Ruby s'avère un personnage si charismatique qu'on l'on prend plaisir de la voir se démener à cacher son côté kraken, ensuite se rebeller et libérer ses pouvoirs en cachette, avant de finalement embrasser sa destinée tout en se trouvant une nouvelle voie bien à elle. On se laisse alors porter par un long métrage sympathique qui, même s'il n'apporte rien de neuf, fait passer un très bon moment.
Olivier J.H. Kosinski - 05 novembre 2023
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Doublage (Québec - 2023)
Ruby Gillman : Laurie Babin
Agatha Gillman : Christine Bellier
Grand-Maman : Danièle Panneton
Chelsea : Sandrine Fagnant
Arthur Gillman : Fayolle Jean Jr.
Sam Gillman : Noé Rouillard
Brill : Hugolin Chevrette
Gordon : Benoît Brière
Margot : Célia Gouin-Arsenault
Bliss : Marguerite D'Amour
Connor : Matis Ross
Doublage (France - 2023)
Ruby Gillman : Leana Montana
Agatha Gillman : Fily Keita
Grand-Maman : Nicole Louis Joseph Dogue
Chelsea Van du Laarge : Claire Baradat
Tonton Merou : Alex Fondja
Arthur Gillman : Arnaud Léonard
Sam Gillman : Keanu Peyran
Capitaine Gordon Lighthouse : Christophe Lemoine
Margot : Marie Facundo
Bliss : Lila Lacombe
Trevin : Enzo Ratsito
Connor : Gaël Kamilindi
Janice : Deborah Claude
Doug : Thierno Ba