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Studio Dada Show
Kai  

Kai est un long métrage d'animation sud-coréen qui sort en salle le 17 août 2016 dans la péninsule. Le film est présenté au Festival d'Annecy la même année, mais n'est ensuite distribué par aucun éditeur en France, ni en salle, ni en vidéo, ni à la télévision. Il est pour la première fois proposé légalement en version originale sous-titrée le 29 septembre 2020 sur la plateforme française de vidéo à la demande kftv. Sa disponibilité au Québec est actuellement inconnue.

L'intrigue

Les vastes prairies d'Asie centrale sont mystérieusement recouvertes par une épaisse couche de neige et envahies par une meute de loups. Kai, sa jeune soeur Shamui, et l'ensemble de leur clan tentent de fuir cette mystérieuse menace qui glace des étendues de terre de plus en plus vastes. Alors qu'ils sont en chemin pour rejoindre une vallée qui semble résister à cette terrible malédiction, Shamui est emportée par une terrible avalanche. Alors que le clan s'oppose à ce que Kai et sa mère lui portent secours, la laissant alors pour morte, la jeune fille réussit à survivre. Seule et abandonnée, elle croise la route de l'énigmatique Hattan qui décide de la prendre sous son aile...

Analyse de l'oeuvre

Le succès de La reine des neiges, a décidément fait beaucoup d'émules depuis sa sortie en salle en 2013. De nombreux studios se sont depuis réappropriés le mythe de la Reine des neiges et son coeur de glace, aussi bien en prenant de très larges libertés ou bien en s'efforçant au contraire de rester très fidèle au conte de Hans Christian Andersen, comme ce fut le cas pour Wizart Animation. Kai s'inscrit dans la première catégorie, à ceci près que le long métrage y apporte une dimension purement coréenne qui en fait une oeuvre fondamentalement très atypique par rapport à la concurrence. Kai est le deuxième long métrage d'animation coréen que je découvre après The Fake en début d'année, d'ailleurs produit par le même studio. Cela fait bientôt deux ans que je m'intéresse aux productions cinématographiques asiatiques, notamment coréennes, je m'étais donc lancé dans la recherche des longs métrages animés pour en parler sur le site. Mon enquête au long cours, entre janvier et mars 2020, m'avait cependant plus ou moins conduit dans une impasse. Même en contactant plusieurs sites spécialisés, personnalités franco-coréennes, et même une école coréenne basée en France (qui n'a pas pris le soin de me répondre soit dit en passant), j'en suis arrivé à la conclusion que l'animation coréenne semble être un art très marginal. D'une part parce que la péninsule coréenne est avant tout considérée mondialement comme un sous-traitant des grandes compagnies étrangères, principalement américaines dont Disney ce qui doit sans nul doute brimer sa créativité, d'autre part parce que son voisin et concurrent direct, le Japon, a une philosophie animée si prolifique qu'il inonde à lui tout seul tout le marché asiatique.

Que l'on m'ait pratiquement apporté Kai sur un plateau, puisque je n'avais absolument aucune connaissance de son existence jusque là, est donc évidemment très appréciable. Le long métrage s'avère d'ailleurs une entrée en matière dans l'animation coréenne bien moins hermétique que The Fake découvert quelques mois plus tôt. Très dur dans son propos, purement coréen dans sa construction narrative et ses personnages, The Fake ne peut vraiment pas s'apprécier sans au préalable une mise en contexte. Film noir, direct et souffoquant pour qui n'y est pas habitué, même le plus fervant des amateurs d'animation aurait eu beaucoup de mal à y trouver ses qualités sans avertissement préalable. Radicalement opposé, Kai est au contraire un film nettement plus universel, plus léger, disons même plus occidantal dans la forme, tout en étant très japonais dans le fond. Pour autant, le réalisateur Lee Sung-gang, que je ne connaissais pas jusqu'à présent, en livre une interprétation furieusement coréenne dans son approche. Comme c'est toujours le cas, dans ce que j'ai vu de leurs productions jusque là en tout cas, les coréens semblent apprécier s'approprier mythes et contes populaires en les amalgamant à leurs propres légendes et mythologies. Il en résulte alors très souvent un sentiment d'étonnement et d'originalité devant leurs réalisations, pour les occidentaux que nous sommes, car nous avons la fâcheuse habitude de produire des intrigues similaires qui tournent bien trop souvent en rond et qui ne nous surprennent plus.

Pour Kai, Lee Sung-Gang accompagné du scénariste Yong-Jae Ryu s'accaparent donc du conte de Hans Christian Andersen publié en 1844 dans le recueil des Nouveaux Contes. Dès sa séquence d'ouverture, le long métrage fait d'ailleurs le choix de conserver un élément que le monde occidental a toujours préféré faire impasse : la création du miroir magique déformé conçu par le Diable en personne. Le long métrage utilise aussi la malédiction des éclats de miroirs tombant dans l'oeil de ses victimes, tout comme il maintient la présence de deux personnages principaux, en inversant simplement leurs rôles. Si Kai échappe ce coup-ci à la malédiction, c'est pour mieux partir au secours de sa soeur Shamui, le transfuge coréen de la plus célèbre Gerda. Le découpage du récit, enfin, respecte également, plus ou moins dans les grandes lignes, le voyage initiatique de Gerda dans le conte puisque Kai rencontre lui aussi des personnages fantasmagoriques, quelques épreuves, sans oublier l'inévitable famille de brigands.

Pour le reste de l'intrigue et son approche narrative, Kai lorgne ouvertement du côté du concurrent Japonais et, sans équivoque, emprunte certaines de ses idées à l'incontournable Studio Ghibli. Toutefois, Kai n'arrive évidemment pas à faire aussi bien, car les films du studio japonais ont toujours maîtrisé avec perfection les personnages ainsi que les entités spirituelles, souvent majestueuses, que l'on accepte sans broncher et que l'on comprend dès leurs premières apparitions. Le long métrage coréen a plus de mal à faire naître l'empathie dans ses personnages secondaires, en tout cas pour les entités spirituelles qui arrivent un peu comme un cheveux sur la soupe et dont on ne parvient pas à bien cerner leurs rôles au premier abord. L'approche ne m'a pas choqué, parce que j'ai déjà rencontré cela dans plusieurs autres leurs productions qui s'adressent, dans presque tous les cas de figure, principalement à un public coréen qui possède déjà les acquis autour de ces traditions et qui n'ont pas besoin d'explications particulières, contrairement à moi et, plus largement, le public occidental qui a besoin de comprendre, en partie du moins, ce que l'on nous présente à l'écran. Il est donc préférable de garder un esprit ouvert en découvrant Kai.

D'un point de vue technique, Kai s'inscrit finalement dans la mouvance des réalisations japonaises de ces dernières années où l'animation 3D s'efforce d'offrir un rendu visuel teinté de fausse 2D pour les personnages combiné à des décors esthétiquement assez riches et en 2D. Tous les effets spéciaux, ou complexes, étant générés en 3D pure. Pour résumer l'idée, c'est la même approche artistique qui est utilisée par exemple dans Ronja, fille de brigand ou encore les nouvelles saisons de Les mystérieuses cités d'or. Le résultat final est vraiment très convaincant, il se situe d'ailleurs largement au-dessus des deux exemples de séries télévisées que je viens de citer. Tout aussi intéressant, Kai propose un château de glace qui a comme un air de forteresse de solitude, vraisemblablement emprunté à la mythologie de Superman. Plus curieux encore, le design employé pour Hattan s'inspire des iconographies russes. C'est d'autant plus flagrant lorsque vous connaissez les oeuvres animés produites durant l'ère soviétique par Soyuzmultfilm. Paradoxalement, alors que Kai semble résolument s'éloigner des standards coréens, le traitement de l'intrigue et les actions des protagonistes s'avèrent au contraire spécifiques à cette culture.

Dans les faits, en laissant de côté les a priori culturels et en acceptant de suivre l'aventure comme elle vient, Kai réussit son pari de réinterpréter un conte occidental à la sauce coréenne. L'ensemble s'avère de très bonne facture, l'univers féérique est chatoyant, le film comporte quelques belles scènes et, comme il est de tradition dans les oeuvres coréennes, l'histoire réussit à entremêler moment joyeux et tristes avec talent. Etant donné que le film ne bénéficie pas de doublage, je me contenterai juste de dire que les acteurs coréens s'investissent bien dans leurs rôles et arrivent à transmettre correctement leurs émotions rien qu'avec leurs voix. Mes seules réserves concernent juste la façon dont le film est présenté sur kftv. Sans que cela soit un reproche, mais plus un encouragement pour poursuivre dans cette voie d'accessibilité à l'animation coréenne car cette plateforme de vidéo à la demande est encore toute jeune, le long métrage souffre de défauts d'encodage (artéfacts dans les scènes complexes et nombreuses saccades dans les traveling), même en HD, ainsi que d'absence inexpliqué de sous-titrage durant certains dialogues, tout comme il y a quelques petites coquilles orthographiques, qui nous sortent complètement du film durant de courts instant. Mais c'est vraiment parce que j'ai envie de chipoter, cela ne retire en rien la qualité générale du long métrage. Il s'agit même d'un très bon choix éditorial de la plateforme, puisque c'est une première pour eux, que ce Kai qui s'avère finalement très accessible pour les néophytes de la culture coréenne. Bref, une très bonne surprise et en espérant qu'ils en proposent d'autres. Si tant est que Netflix ne leur coupe évidemment pas l'herbe sous le pied puisque le mastodonte américain a récemment décidé de se lancer aussi dans ce créneau jusqu'ici considéré comme marginal.

Olivier J.H. Kosinski - 03 décembre 2020

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