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Studio Ghibli
Sherlock Holmes

Simple portage sur grand écran de deux épisodes remaniés de la série télévisée, Sherlock Holmes est proposé en salle au Japon le 11 mars 1984 en tant qu'avant-programme de Nausicaa de la vallée du vent. Cette version cinématographique reste cependant complètement inédite en France et au Québec, contrairement à la série télévisée.

L'intrigue

A Londres durant les années victoriennes, Sherlock Holmes, le plus grand des détectives, mène ses enquètes épaulé par ses fidèles amis le docteur Watson, la charmante Miss Hudson et l'inspecteur Lestrade de Scotland Yard. Ensemble, ils doivent déjouer les plans machiavéliques du professeur Moriarty et ses deux complices Todd et Smiley qui tentent de dérober un rubis bleu ainsi qu'un fabuleux trésor sous-marin...

Analyse de l'oeuvre

Pour comprendre la relation intime qui existe entre la série télévisée Sherlock Holmes diffusée à partir de 1984 et cette version cinématographique proposée peu de temps auparavant, il faut tout d'abord remonter de nombreuses années en arrière, en 1962 pour être tout à fait précis. Cette année là deux italiens, Nino et Toni Pagot, frères à la ville, créent le petit Calimero, un petit poussin tout noir et un peu bizarre qui passe son temps à coiffer sa tête d'un reste de sa coquille d'oeuf. A l'origine né pour vanter les mérites d'une lessive (le poussin tout noir devant ressortir tout jaune après lavage), Calimero finit par s'exporter au Japon où il va connaître ses premières aventures télévisées entre 1974 et 1975 sous la houlette du studio Toei Animation. Une première collaboration fructueuse italo-japonaise qui marque sans nul doute le jeune Marco Pagot, fils de Nino. En 1980, Marco Pagot imagine le concept d'une série anthropomorphe mettant en scène le célèbre Sherlock Holmes. La même année, il soumet son idée à la chaîne publique italienne Rai, qui l'accepte et s'associe alors avec la société japonaise TMS. Parmi ses employés figure un certain Hayao Miyazaki, qui avait précédemment travaillé comme intervalliste chez Toei Animation.

En avril 1981, la production de la série Sherlock Holmes débute. Marco Pagot se charge de conceptualiser les personnages, Hayao Miyazaki se charge des storyboards de certains épisodes et de la réalisation de quelques autres. Quelques mois plus tard, en décembre 1981, le tout premier épisode de la série est réalisé, il s'agit de La petite cliente où une jeune fille demande à Sherlock Holmes de retrouver son chat disparu. De cette étrange affaire, Sherlock en déduit un rapport avec le père de la jeune fille, une histoire d'argent contrefait et une odieuse conspiration ourdie dans l'ombre par un certain Moriarty. La collaboration entre Marco et Hayao s'avère très fructueuse, les deux hommes se découvrant peu à peu des liens amicaux à tel point d'ailleurs que le second rendra hommage au premier en donnant son nom au célèbre Porco Rosso. Malheureusement, en mai 1982, la production de Sherlock Holmes est brutalement stoppée alors que quatre épisodes ont déjà été réalisés (La petite cliente, L'enlèvement de Mme Hudson, Le rubis bleu et Le trésor de la mer) et que deux autres sont encore en cours de finition (L'aéropostale et La disparition des pièces d'or).

Deux arguments sont aujourd'hui avancés pour expliquer ce brusque et soudain revirement. Le premier concerne un possible conflit avec les ayants droits d'Arthur Conan Doyle autour du célèbre détective. Cette possibilité, non vérifiable à l'heure actuelle, reste effectivement de l'ordre du probable. A l'image des ayants droits de Hergé, ceux d'Arthur Conan Doyle gardent très jalousement le patrimoine autour du détective et sont souvent très farouchement opposés, voire vindicatifs, face à toute création un peu trop originale qui dénaturerait le célèbre personnage (sans compter bien évidemment l'argument pécuniaire que toute nouvelle adaptation leur rapporte). Pour preuve, les récentes séries Sherlock (BBC, 2010) et Elementary (CBS, 2012) ont soulevés pas mal de controverses chez les ayants droits et cela même en sachant que de nombreuses aventures de Sherlock Holmes étaient tombées dans le domaine public. L'autre problème qui a stoppé net la réalisation de la série est d'ordre purement financier. Pour une raison là aussi inconnue, la chaîne publique Rai se retire du projet. TMS n'acceptant pas de supporter à elle seule l'ensemble des coûts de réalisation, elle arrête logiquement les frais. Sherlock Holmes est dès lors remisé au placard.

Hayao Miyazaki finit par quitter la société TMS afin de se consacrer à son nouveau long métrage Nausicaä de la vallée du vent. Le sort de Sherlock Holmes reste alors incertain. En mars 1984, il est tenté un véritable coup de poker. Deux épisodes scénarisés par Miyazaki sont projetés en tant qu'avant-programme de Nausicaä de la vallée du vent. L'idée est particulièrement lumineuse dans la mesure où les japonais font littéralement la queue devant les salles obscures pour voir le nouveau film de Miyazaki. Succès de son film aidant, le bouche à oreille faisant le reste, Sherlock Holmes rencontre un grand succès en salle. La série peut alors être relancée, avec les mêmes partenaires qu'auparavant, à savoir TMS et Rai. Bien que produits auparavant, les six épisodes réalisés entre décembre 1981 et mai 1982 sont chronologiquement déplacés, principalement pour pouvoir mettre en place des épisodes d'introduction aux divers personnages quand la série reprend. La petite cliente nous mettait en effet directement dans l'action, sans jamais présenter Holmes, Watson, Mme Hudson (Mme Edison dans la version française), Lestrade et Moriarty.

Pour la version cinématographique, Sherlock Holmes accole, sans jamais vraiment les relier cependant, les épisodes Le rubis bleu et Le trésor de la mer. Le rubis bleu permet de suivre Moriarty dans sa tentative de vol d'un rubis, qu'il se fait toutefois subtiliser par un enfant de rue. La gamine ayant de la ressource, son kidnapping va provoquer maintes péripéties. Dans Le trésor de la mer, Moriarty s'empare d'un mini-sous-marin , cette fois dans l'espoir de s'accaparer un fabuleux trésor. Il est confronté au peu de finesse de l'inspecteur Lestrade, à l'ensemble des agents un peu bizarres de Scotland Yard et la bêtise de ses deux acolytes. L'idée de relier ces deux épisodes n'est pas du tout mauvaise dans la mesure où l'on assiste dans la première partie à la toute première rencontre physique entre Holmes et Moriarty (dont il apprend le nom dans les nouveaux épisodes diffusés avant, mais le rencontrant pour la première fois ici pour respecter la cohérence) et, dans la seconde, à l'importance de Scotland Yard et du rôle de l'inspecteur Lestrade dans le reste de la série. Dans l'esprit, cela reste plutôt niais, mais c'est tellement palpitant et drôle que le spectacle se regarde avec un plaisir certain ! Car ces deux épisodes figurent aussi parmi les plus palpitants de la série télévisée.

La qualité de l'animation de ces deux épisodes de Sherlock Holmes reste encore aujourd'hui d'excellente facture, particulièrement dans l'édition Blu-ray et, ce, malgré le lissage un peu sauvage du rehaussement graphique tendant à faire disparaître les coups de crayon initiaux. Il n'empêche, la patte graphique de ces deux épisodes, et de la série qui en découlera, reste encore très agréable à regarder malgré son âge avancé. Un constant que l'on doit au parti-pris graphique inspiré de l'époque Victorienne. Le choix de faire des personnages des animaux anthropomorphes, canidés pour être exact, est aussi un choix particulièrement habile. Même s'ils gardent tous un côté humain exacerbé, chaque personnage à l'écran est inspiré d'un animal à qui l'on donne les caractéristiques similaires : Sherlock est un renard rusé, Watson un fox terrier très fidèle, Lestrade un berger teigneux, Moriarty un loup inspirant la peur, Mme Hudson est un lévrier raffiné, etc. Concernant la réalisation, ces deux aventures comptent un certain nombre d'idées de mise en scène vraiment très ingénieuses, de folles courses poursuites sur terre, dans les airs ou même en pleine mer, tout en offrant aussi des engins rétro-futuristes quelques peu saugrenus mais à dominante réaliste. Bref, tout un tas d'idées propres à Miyazaki que l'on retrouvera, en partie, dans Nausicaä de la vallée du vent et, plus particulièrement, dans Le château dans le ciel qui offrira aussi son lot de scènes d'actions très palpitantes. Ce sont d'ailleurs des extraits de ces deux épisodes qui serviront de base aux génériques télévisées.

Pour la partie sonore, cette version cinématographique de Sherlock Holmes a été complètement revue, par rapport aux deux épisodes diffusés ultérieurement au sein de la série télévisée. D'un côté, l'ensemble des comédiens ont été renouvelés et certains dialogues remaniés. De l'autre, la bande originale est en grande partie réorchestrée. Cela commence d'ailleurs par trois nouveaux thèmes musicaux : le premier est une petite ballade jouée au piano servant d'introduction à la première partie, le second un thème mélancolique joué au violon introduisant la seconde partie et, enfin, Sherlock Holmes se conclut par une toute nouvelle chanson un peu plus énergique et plus pop que le célèbre thème servant d'introduction à la série ("Le plus grand des détectives, oui c'est lui Sherlock Holmes, le voici !" que les aînés reconnaitront). Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls apports de la bande originale de cette version cinématographique, puisque plusieurs nouvelles chansons et nouvelles musiques, pour la plupart jouées au synthétiseur, sont introduites dans les deux épisodes. Ces apports, loins d'être minimes, portent particulièrement sur les scènes de courses poursuites, ce qui les rend ainsi encore plus palpitantes que leurs homologues télévisées.

Au sortir de cette version cinématographique, véritablement acclamée par le public japonais, mais qui, à regret, n'a pas franchi nos frontières, la série est finalement réamorcée à partir de novembre 1984 et reprend enfin vie sous la nouvelle direction de Kyosuke Mikuriya qui restera cependant très fidèle aux idées initialement distillées dans les rares épisodes de Hayao Miyazaki. Aux six épisodes bouclé en 1982 seront ajoutés vingt nouveaux épisodes qui formeront la série télévisée telle qu'on la connaît aujourd'hui en France, où l'on regrettera surtout le doublage anarchique (les voix changeant constamment d'un épisode à l'autre) propre aux pires adaptations de AB Production mais qui reste aujourd'hui globalement attachante. Tout comme la version cinématographique, la série télévisée rencontra elle-aussi un très grand succès en France et au Japon. C'est d'ailleurs là-bas que cette série fut forte impression auprès du jeune artiste Nobuteru Yuki qui s'inspirera, quelques années plus tard, de l'univers de Sherlock Holmes pour concevoir le design de deux suites vidéoludiques "spirituelles" à cette série : le sympathique Tail Concerto en 1998 sur Playstation et le très bon Solatorobo: Red The Hunter sur Nintendo DS en 2010.

Aujourd'hui, Sherlock Holmes est passé à la postérité des séries télévisées pour enfants basées sur l'univers conçu par Arthur Conan Doyle. Cette version cinématographique vaut par ailleurs le coup d'oeil puisque les multiples apports la détache nettement de la série télévisée, alors que les propos des deux épisodes concernés sont globalement les mêmes. Evidemment, Sherlock Holmes a depuis pris un coup de vieux face aux récents dépoussiérages du personnage, notamment face à la version britannique modernisée de Mark Gatiss et Steven Moffat, mais Sherlock Holmes garde encore cette fraîcheur enfantine mais adorable et inégalée d'une série qui a du chien !

Olivier J.H. Kosinski - 09 juin 2017

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