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Studio Dada Show
Seoul Station

Seoul Station est un film d'animation sud-coréen dont la particularité est d'être une préquelle au film d'horreur Dernier train pour Busan, tous deux réalisés par Yeon Sang-ho. Il est d'abord proposé lors de divers festivals internationaux dès le 05 avril 2016, avant d'être proposé en France en tant que bonus de l'édition Blu-ray de Dernier train pour Busan le 17 décembre 2016, puis distribué sur différentes plateformes de vidéos à la demande. Hormis sa disponibilité mondiale sur Amazon Prime, sa date de sortie initiale au Québec n'est pas connue. Dans tous les cas de figure, le long métrage est proposé exclusivement en version originale sous-titrée. Il est par ailleurs déconseillé aux moins de 16 ans.

L'intrigue

Après avoir fugué de chez son père, Hye-sun est désormais au bout du rouleau. À tel point que son petit-ami oisif, Ki-woong, ne trouve rien de mieux pour renflouer leurs économies que d'essayer de la prostituer en passant une annonce sur un site Internet pour adultes. Averti par un ami qui semble l'avoir reconnu en photo, Suk-gyu se lance à la recherche de sa fille alors qu'une épidémie de zombies prend de court tout Seoul...

Analyse de l'oeuvre

Il n'est pas très facile de trouver des films d'animation coréens en France, ce qui semble étonnant quand on sait que la vague des fictions sud-coréennes submerge tout l'occident depuis plusieurs années maintenant. Cela fait déjà quelque temps que je suis allé à la pêche aux informations un peu à l'aveugle, en ratissant large, du simple site amateur à quelques gros youtubeurs, en passant même par des expatriés coréens s'étant reconvertis en professeurs, enseignant leurs langues aux français réceptifs. Bien peu de monde m'a répondu, aucun des plus connus. Sur le très petit nombre de retour que j'ai eu, qui se compte sur les doigts d'une seule main, il y a pourtant eu un inattendu consensus : l'animation n'est pas vraiment inscrite dans l'ADN sud-coréen. En voilà un étonnant paradoxe ! Toute personne qui s'intéresse un peu au domaine de l'animation sait que la Corée du Sud est un important pays sous-traitant le travail des plus grands studios d'animation, principalement américains. Une grande majorité des épisodes des Simpson y ont été réalisés, Disney aussi fait appel aux artistes locaux pour d'innombrables séries télévisées depuis presque quatre décennies. Et pourtant, les films d'animation 100% coréens se font peu nombreux. Il faut évidemment garder en tête que, en dehors de la sous-traitance, le voisin japonais inonde le secteur asiatique de milliers de contenus animés chaque année. Mais ça n'explique pas pour autant que la Corée du Sud semble si peu friande à s'imposer dans ce domaine, pour l'instant tout du moins, quand on voit que même le géant chinois prend sans cesse un peu plus de place chaque année dans le monde de l'animation. Le fait que l'animation ne soit pas vraiment leur tasse de thé me semble donc effectivement l'explication la plus vraisemblable.

Dans le lot, il y a pourtant une exception : Yeon Sang-ho. L'homme a commencé sa carrière de réalisateur directement dans le monde de l'animation, ce qui s'avère finalement très inhabituel dans ce pays. Pour autant, si on le connaît en France - pas forcément en connaissant son nom - c'est par l'intermédiaire de son tout premier film avec acteurs, Dernier train pour Busan. Je pense d'ailleurs que c'est justement ce film qui a permis de voir débarquer en France, certes plutôt confidentiellement mais nettement plus que bien d'autres productions, la majorité des productions animées de son studio d'animation DaDa Show. Il faut dire que Dernier train pour Busan était clairement une oeuvre très astucieuse. Sans jamais chercher une seule fois à réinventer la mythologie du zombie, Yeon Sang-ho avait rendu l'expérience très grisante en plaçant les hordes assoiffées de chair humaine dans un milieu totalement fermé, en l'occurrence dans un KTX, en d'autres termes, un TGV coréen. Dans le film, on retrouve absolument tous les poncifs américains de la narration autour des zombies, mais avec un sensibilité typiquement coréenne, avec le père divorcé plus enclin à vivre pour son job que pour son enfant, le vieil homme d'affaire irascible, le jeune couple un peu tête en l'air, voire le bourru de service qui a finalement un bien grand coeur. Pour autant, même si certains moments étaient attendus, Dernier train pour Busan arrivait à donner un côté palpitant à l'aventure, disons même haletant à ses scènes claustrophobiques, car chaque personnage devait constamment imaginer, vite et bien, une solution pour contourner les zombies tout en restant en vie, le tout dans l'espace intégralement clos d'un train de voyageurs.

Ce que l'on sait moins en revanche, c'est que Seoul Station est en réalité lié à Dernier train pour Busan. Conçus en parallèle, les deux oeuvres sont sorties successivement à un mois d'intervalle. Conçues comme une duologie (complété depuis 2020 par un bien moins bon troisième volet, Peninsula), les deux fictions sont à la fois indissociables, car Dernier train pour Busan se déroule immédiatement après les évènements de Seoul Station, mais elles sont toutefois aussi deux oeuvres totalement indépendantes dans leurs propos. Les deux films ne partagent par exemple absolument aucun personnage en commun, mais les deux films peuvent être vus comme les deux faces d'une même pièce. Pendant que les passagers effrayés de Dernier train pour Busan s'interrogent sur le monde en dehors du train, espérant un sauvetage venant de l'extérieur, les personnages de Seoul Station cherchent désespérément le moyen de locomotion le plus sûr pour fuir une ville devenue infernale et dont les autorités se retournent même contre eux. Dernier train pour Busan et Seoul Station ont aussi une approche narrative complètement opposée. Le premier, dans la grande tradition des fictions coréennes, fait en sorte que ce soit la force du groupe qui permette à chacun de survivre, là où dans le second, c'est l'égoïsme et le nombrilisme qui guident exclusivement les actions des personnages. Si aucune des deux oeuvres ne sont très heureuses quant à leurs dénouements respectifs, Yeon Sang-ho réussit pourtant à leur donner un aspect symbolique assez singulier, renversant par exemple le sacro-saint principe américain où le film d'animation se doit normalement d'avoir une fin heureuse, alors que le film d'horreur est normalement plus enclin à avoir une fin brutale. Et pourtant, au final, la morale s'avère finalement être la même dans les deux cas.

Pour en revenir plus spécifiquement à Seoul Station, puisque je vous laisse le loisir d'aller voir Dernier train pour Busan si le coeur vous en dit, il faut garder en tête que la fiction coréenne fait rarement dans l'allégorie. La fiction occidentale, surtout américaine qui domine le marché mondial, tend souvent à éluder ce qui pourrait être trop brutal ou trop cru, sauf dans certains films d'horreurs un peu extrême mais qui, là aussi, bénéficient généralement d'une mise en scène appropriée pour rendre ça moins direct aux yeux des spectateurs. La fiction coréenne s'embarrasse généralement beaucoup moins de ce genre de circonvolutions, préférant aller directement à l'essentiel, quitte à ce que cela soit choquant. Et, par certains côtés, leurs oeuvres semblent alors plus vraies, bien que cela ne soit pas vraiment réaliste non plus, mais du coup, cela semble plus tangible, disons même plus intime. L'humain est généralement le coeur de l'histoire, c'est lui qui fait avancer le récit, là où c'est majoritairement l'inverse que nous propose la fiction américaine, le récit forçant le personnage à avancer. De fait, on a tendance à se sentir plus concernés par le destin des personnages coréens. C'est d'ailleurs le cas de Seoul Station qui met ainsi en scène un père cherchant désespérément sa fille au milieu des rues littéralement infestées, laquelle vivant avec un jeune homme oisif et sans le sous qui tente, par tous les moyens, de la prostituer afin de gagner de l'argent. On se sent vite en phase avec leurs inquiétudes, espérant, soutenant même, que le père et la fille soient réunis au milieu de cette apocalypse zombiesque.

Pour autant, Yeon Sang-ho réussit à amener à l'écran un très audacieux twist qui va rabattre toutes les cartes du scénario et emmener les spectateurs dans un monde encore plus noir avec une apocalypse zombiesque dans Seoul en toile de fond. Seoul Station recentre soudain son récit sur celui de l'individualité, il en devient alors terriblement glaçant et étouffant. Les zombies deviennent rapidement des figures secondaires, car le danger vient en réalité non pas d'eux, mais directement des gens non affectés. Les bonnes actions des quelques personnages voulant venir en aide aux autres se retrouvent alors rarement récompensées. Seoul Station se résumant très vite en une folle course pour la survie de chacun, alors que tout le monde ne pense plus qu'à une seule chose, survivre aux dépends des autres. Pour y parvenir, Yeon Sang-ho choisit de reprendre, peu ou prou, la même technique d'animation que The Fake, réalisé quelques années auparavant. Le principe reposant sur des décors hyperréalistes dont ils sont, je pense, des copies carbones de vrais endroits de Seoul, histoire d'accentuer d'autant plus le malaise du spectateur, mais avec des personnages animés intégralement en 3D et rehaussés de contours en cel shading (un crayonné noir entourant les formes 3D, façon 2D, qui avait été popularisé dans le milieu du jeu vidéo principalement par Jet Set Radio sur Dreamcast). Le rendu des personnes est un peu mieux que dans The Fake, mais reste toutefois toujours aussi perfectible. Cette fois encore, on a beaucoup de mal à retrouver des expressions faciales crédibles même si, dans le feu de l'action, on finit par s'y faire. Yeon Sang-ho épouse aussi parfois certains des codes de la narration des jeux-vidéos, avec une caméra qui semble vouloir accompagner les protagonistes de façon dynamique ou bien, comme dans les premiers Resident Evil, en choisissant des angles fixes qui restreignent la vision du spectateur. Pour autant, à moins d'être de nature à fleur de peau, aucune scène ne fait jamais sursauter malgré leur côté parfois très glauque. Il faut dire que, dans Seoul Station, la nécessité fait loi et quasiment aucun personnage ne s'interroge sur les causes morales de leurs violentes actions.

Comme il est de coutume avec la fiction coréenne, Seoul Station n'est pas à mettre entre toutes les mains. Loin d'être un simple film d'horreur animé parmi d'autres, Yeon Sang-ho dénonce surtout à travers ce film les dérives extrêmes de son pays. Ainsi, toute l'intrigue débute par la non prise en charge d'un malheureux SDF, absolument ignoré par tous y compris par les forces de l'ordre, les services sociaux comme ceux de santé. En découle alors autant de défaillances humaines en cascade conduisant la ville entière à sa propre perte. Rien ne se serait probablement produit si quelqu'un avait tendu la main à ce pauvre SDF, victime directe de la grande doctrine de réussite propre à la société coréenne. Ce qui explique ce final très étouffant, révélant la monstruosité innée des êtres humains, peu importe les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Bien que suivant finalement le même cheminement narratif, si Dernier train pour Busan propose une fin nettement plus heureuse, c'est justement parce que l'un des personnages jusqu'alors indifférent à tout prend conscience que l'on ne peut rien accomplir en étant seul. Au contraire, tous les personnages de Seoul Station ignorent tous les avertissements qui se dressent devant eux, les conduisant vers une inéluctable autodestruction.

Olivier J.H. Kosinski - 13 octobre 2022

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