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Pinocchio

Annoncé comme une exclusivité Disney+, Pinocchio sort mondialement sur la plateforme le 08 septembre 2022. Le long métrage dispose d'un seul doublage francophone qui entremêle comédiens français et québécois.

L'intrigue

Gepetto, un vieil artisan, sculpte le bois et fabrique des horloges. Il rêve de la vie en compagnie de son fils. Aussi imagine-t-il de créer une marionnette à son image. Satisfait de son oeuvre qu'il baptise Pinocchio, il organise une fête avec son chat Figaro et son poisson rouge Cléo mais, devant ce patin désincarné, il se met à souhaiter le voir prendre vie. A la nuit tombée, la Fée Bleue décide d'exaucer son voeu et, d'un coup de baguette magique, elle insuffle la vie au petit pantin de bois...

Analyse de l'oeuvre

Plus le nombre de remakes Disney défile, plus je suis convaincu qu'il ne s'agit ni d'un effet de mode, ni d'une volonté d'abreuver le public de sa grande dose de nostalgie. Il me paraît au contraire de plus en plus évident qu'il s'agit d'une pure question de légalité et d'image. A mon avis, Disney est dans une démarche d'anticipation car les générations actuelles vont bientôt vivre une révolution culturelle : leurs films vont inévitablement tomber un jour dans le domaine public. Cette démarche ne date pas d'ailleurs pas d'aujourd'hui. Depuis les années 1980, Disney "réinitialise" ses droits sur ses longs métrages d'animation à chaque fois qu'il effectue une restauration numérique, repartant avec des films sur supports tous neufs. Blanche-Neige et les sept nains ainsi que La belle au bois dormant avaient été parmi les tous premiers qui en avaient profité. Pour que ce soit plus compréhensible, prenons un exemple pour le moment factice : disons que demain, Blanche-Neige tombe dans le domaine public. Cela signifie que le film, tel qu'il était présenté au public en 1937, pourra être exploité par n'importe qui. Par contre, cela veut également dire que tous les éditeurs en herbe devront utiliser le master d'époque. Si jamais l'un d'entre eux vient à utiliser un master plus récent, celui restauré dans les années 1980, celui utilisé dans les premières éditions DVD ou bien les récentes versions Blu-ray, alors Disney pourra engager des poursuites. En France se pose aussi la question du doublage, il ne sera par exemple pas possible d'utiliser le doublage avec Lucie Dolène, car trop récent. Il n'est même pas certain de pouvoir utiliser celui de 1938, car les droits du domaine public de ce doublage ne sont pas forcément lié à la même date que ceux du film. Le problème ne se pose cependant pas sur ce qui est des scénarios des films. Chacun pourra faire ce qu'il voudra. C'est là qu'entre en jeux les récents remakes, Disney se réapproprie son propre patrimoine en faisant sa propre "relecture" officielle de ses propres intrigues. Il deviendra alors difficile, pour les générations à venir, de pouvoir s'approprier le patrimoine Disney et de capitaliser dessus.

Tous les plus grands films d'animation Disney y sont passés, Pinocchio ne fait pas exception à la règle. Et quand on voit ce que le studio en a fait, ma théorie n'en paraît que d'autant plus crédible. Problème, si l'idée de base semble plutôt louable, Disney fait exactement la même chose que les hypothétiques futurs éditeurs de films tombés dans le domaine public : l'oeuvre originale en ressort inexorablement saccagée. Disney n'y va pas à moitié pour son nouveau Pinocchio, dont l'intrigue est assez fortement chamboulée, ceci dès les toutes premières scènes. Je ne comprends vraiment pas pourquoi le studio s'est senti obligé de complètement redéfinir Gepetto qui passe d'un vieil homme un peu rêveur qui n'a jamais eu de vraie vie, à cet homme excentrique qui rumine la perte d'une famille. Cela change toute la portée du message, puisque Pinocchio n'est plus créé par désir de fonder un foyer, mais comme un complet substitut à un enfant qu'il aura visiblement perdu. Tout le reste de l'intrigue, qui colle quasiment au film de 1940, en devient soudain très gênante. Cela remet en cause presque toutes les décisions qu'il prend, à commencer par le fait de ne pas accompagner Pinocchio à l'école. Dans le film d'animation, le spectateur était placé dans un monde "magique", où humains et animaux anthropomorphes cohabitaient harmonieusement. La présence d'un pantin magique ne détonnait pas avec le reste, cela semblait naturel, même si Pinocchio était unique en son genre. Ici, Gepetto ne peut visiblement pas se séparer de Pinocchio, pourtant, il l'envoie tout de même à l'école sans se préoccuper de rien, ni même le présenter à ses professeurs. On ne s'étonnera alors même pas de ce qu'il va se passer ensuite, en se disant même que c'est entièrement de sa faute.

La redéfinition de Gepetto a une conséquence tout autant désastreuse sur Pinocchio, dont la personnalité est complètement chamboulée également. Dans le conte originel, Pinocchio était un vrai sale gosse. Walt Disney avait évidemment totalement lissé cet aspect du personnage, mais avait tout de même gardé un côté très naïf. Pinocchio se laissait embarquer par les évènements, sans réellement comprendre de quoi il retournait. Il restait aussi l'aspect progressif de l'apprentissage du personnage, il prenait peu à peu conscience que les actes avaient des conséquences. Jiminy avait d'ailleurs un grand rôle à jouer dans l'éducation de Pinocchio, qui n'était qu'une grande page vide au début du film d'animation. Il faisait un dur apprentissage par l'expérience. En 2022, tout change. La bienséance passant par là, Pinocchio se voit doté d'un libre arbitre dès le tout début du film, Jiminy se transformant en bouffon sans consistance ni utilité dans le film. Pinocchio a déjà des réserves dans tout ce qu'il traverse. Il se refuse régulièrement à être un vilain garçon, comme s'il savait déjà tout des conséquences de ses actes. Le parcours émotionnel du personnage n'est donc plus du tout le même qu'en 1940. Pire encore, le remake trahit l'essence même du personnage : Pinocchio réussit à échapper à Stromboli en mentant délibérément et intentionnellement ! La portée du message en prend un sacré coup pour le spectateur, n'hésitez surtout pas à mentir pour vous sortir de certaines situations. Par cette seule scène, le long métrage contredit ce qu'il martèle pourtant tout le reste du temps ! Inutile d'être un enfant sage, vous serez dans tous les cas récompensé d'avoir été orgueilleux.

Pinocchio pêche également par son aspect remake à deux vitesses. D'un côté, le studio Disney veut coller au plus près de l'intrigue de 1940, en reproduisant par mimétisme de nombreuses scènes iconiques. Malheureusement, elles sont toutes amenées de façon si peu naturelle l'écran que cela sonne comme une parodie. Elles sont toutes forcées. C'est d'ailleurs aussi le cas de Pinocchio lui-même, reproduction quasi-parfaite du personnage de 1940 en version 3D. Sauf que le beau bois de sapin massif, martelé à plusieurs reprises dans les dialogues du film, est tout sauf crédible. Je n'ai jamais vu de bois qui avait une telle consistance en plastique que dans ce film. Disney se sait-il donc plus du tout faire d'effets spéciaux numériques de qualité ? Ne parlons même pas de Grand Coquin, avec sa démarche lunaire et sa bouche qui se termine toujours sur un sourire menaçant absolument pas crédible, comme s'il allait croquer le personnage à chacune de ses phrases, histoire de bien appuyer qu'il est un grand méchant (rappelons qu'en 1940, il était surtout avide d'argent, mais tout de même très charmeur dans son attitude). De l'autre côté, le studio Disney se sent obligé de meubler son remake de nouvelles péripéties dont le contraste narratif est saisissant. Impossible de comprendre la moindre logique cachée derrière ses nouvelles séquences, qui n'apportent rien du tout au récit si ce n'est, peut-être, de cacher un moyen détourné de produire une suite à l'avenir. Or, comme le film dure sensiblement à peu près autant qu'en 1940, le rajout de ces nouvelles scènes oblige les monteurs à recourir à de nombreuses ellipses totalement disgracieuses. Le personnage qui en pâtit le plus étant Monstro, dont la présence a visiblement été très problématique pour les scénaristes du remake. La baleine originelle ayant muté en simili-Sin, entité mystique diabolique chipée à Final Fantasy X et dont il partage le même sale caractère et quasiment le même design. La rencontre entre Monstro, Gepetto et Pinocchio étant d'ailleurs tout aussi malvenue que parfaitement incohérente. Le sauvetage final se transformant en une immense farce sans queue ni tête, avec Pinocchio qui se la joue Transformers, très loin d'être à deux doigts d'y laisser la vie, alors que ce moment fort constituait l'acte le plus héroïque du personnage en 1940.

Dès lors, un constat s'impose : Pinocchio version 2022 est une oeuvre affreusement dérangeante. En sacrifiant tout ce qui constituait la force du récit de 1940, pour répondre aux exigences de la bienséance moderne, l'intrigue en devient inévitablement boiteuse car ne sachant pas sur quel pied danser entre la modernité ou la copie calque. A cela s'ajoute des effets spéciaux constamment moches et disgracieux, le saccage de ses chansons iconiques jetées à la figure des spectateurs dans des moments inopportuns et, surtout, mal interprétées, ainsi que la destruction de la psychologie et de la portée du personnage. Il en résulte ce sentiment très amer que Disney a déconstruit, de la pire des manières qui soit, l'un des plus grands mythes du cinéma d'animation.

Olivier J.H. Kosinski - 23 décembre 2022

Bande annonce

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08 septembre 2022
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Disponibilité selon restriction territoriale

Voxographie Francophone

Doublage Commun (France / Québec - 2022)

Pinocchio : Simon Faliu

Geppetto : Tristan Harvey

Jiminy Cricket : Pascal Nowak

Fée Bleue : Corinne Wellong (Dialogues)

Fée Bleue : Dominique Magloire (Chant)

Cocher : Marc Arnaud

Fabiana / Sabina : Emmylou Homs

Stromboli : Xavier Fagnon

Maitre d'école : Xavier Fagnon

Crapule : Axel Truchard

Signore Rizzi : Serge Faliu

Grand Coquin : Michel Lerousseau

Sofia : Cathy Cerda

Voix additionnelles :

- Tony Sanial

- Adam Seddouki

- Esteban Hernandez Sanchez

- Elia Carmine Robbe

- Cindy Lemineur

- Marie-Noëlle Eusèbe

- David Dos Santos

- Frédérique Marlot

- Marie Nonnenmacher

- Marie-Charlotte Leclaire

- Erwan Zamor

- Véronique Soufflet

- Cédric Barbereau

- Olivia Dutron

- Léa Gabrielle

- Anne Plumet

- Bianca Tomassian

- Lana Ropion

Sources :
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