Détestable Moi 3 sort le 30 juin 2017 au Québec, puis le 05 juillet 2017 en France sous le titre Moi, moche et méchant 3. A nouveau, bien que conçu en France, le long métrage a été réalisé à partir des dialogues anglais. Le film est donc doublé a posteriori et possède deux versions francophones. Les doublages du film ne font pas du tout les mêmes choix vocaux en ce qui concerne les jumeaux Gru et Dru. Dans la version originale, Steve Carell joue simplement les deux rôles. La version québécoise choisit deux comédiens différents, Gilbert Lachance et François Godin. La version française préfère réunir deux frères dans la vie, Gad Elmaleh et Arié Elmaleh.
Alors que Gru, totalement déprimé par sa mise à pied pour son échec face à Balthazar Bratt, tente de trouver une nouvelle voie, un mystérieux individu se présente pour l'informer du décès de son père. Dans la foulée, il lui annonce l'existence d'un frère jumeau prénommé Dru qui a exprimé le désir d'une rencontre...
J'ai du mal à saisir cette profusion d'oeuvres à connotations nostalgiques autour des années 1980 qui semble envahir les écrans ces deux-trois dernières années, y compris dans certains récents films d'animation ! Est-ce parce que la plupart des artistes actuels avoisinent la cinquantaine ? Ils ont donc d'immenses regrets sur une période de leur adolescence, voire de jeune adulte, qu'ils s'efforcent de retrouver artificiellement dans leur vie actuelle ? Si encore le film se prête au thème et s'inscrit dans une époque bien précise à la rigueur pourquoi pas, même si la nostalgie est un concept que je n'ai jamais saisi, mais quand un personnage se borne à rester enfermé dans une période totalement révolue, cela crée un anachronisme difficilement justifiable pour ceux qui n'y sont pas sensibles, tout autant que cette situation est incompréhensible pour la jeune génération. Moi, moche et méchant 3 est justement de ceux là, un grand film fortement baigné de nostalgie des années 1980. Nostalgie qui ne sert pas vraiment l'intrigue, si ce n'est à proposer quelques gags jouant sur cette période révolue (en débordant aussi sur les années 1990), même si je reconnais que ce troisième volet s'en sort mieux que le second, tout autant que la parenthèse oubliable Les minions. Mais dans tous les cas de figure, il n'arrive jamais à la cheville de l'ingéniosité du premier volet, définitivement le seul épisode marquant de la saga.
Plus les numéros s'incrémentent, moins le personnage de Gru est intéressant. Dans Moi, moche et méchant 3, on assiste au syndrôme Shrek où un personnage résolument antipathique est devenu tellement lisse au fil des épisodes qu'il a fini par ne plus avoir de raison d'être. Après lui avoir flanqué des enfants, puis une femme, Gru voit maintenant débarquer son frère jumeaux caché, Dru. Celui-ci est une sorte de miroir inversé du premier, il vit dans le luxe, possède une impressionnante crinière blonde, et profite sans honte de la vie. Son seul défaut : il est affreusement puéril. Tout semble ainsi les opposer, si ce n'est un tout petit point de détail : ils ont tous les deux été rejetés par leurs parents. En retrouvant ses origines, Gru se laisse entraîner par Dru dans une folle mission dont chacun d'eux espère tirer une gloire bien différente. Pour (dé)crédibiliser ce duo pour le moins improbable, Gru et Dru doivent affronter l'antagoniste Francis Cabrel... euh, non, pardon... Balthazar Bratt, un ancien enfant Star dont la carrière fulgurante, tout autant que tragique, rappelle fortement celle d'un certain Macaulay Culkin. Ce méchant improvisé, incapable de vivre avec son époque, reste coincé à celle de sa pré-adolescence, combattant l'adversité à coups de Malabar sur des airs musicaux très rétros.
Bref, dans Moi, moche et méchant 3, ça gesticule, ça parle, ça rigole, mais sans réels enjeux puisque le scénario n'est pas vraiment le point fort du film. Le long métrage se contente surtout d'aligner une multitudes de péripéties, plus comiques qu'épiques, jouant simplement sur le côté décalé de Dru et Gru. Plus gênant, entre ces scènes, Moi, moche et méchant 3 tente maladroitement de justifier la présence des trois filles, Margo, Edith et Agnès, dont l'intérêt n'était intéressant, et justifiable, que dans le tout premier volet de la saga. Dans les deux volets suivants, les trois gamines ne sont plus que des éléments de mobilier, comme s'il s'agissait d'éléments de décors indispensables aux aventures de Gru. Le problème, c'est qu'à chaque nouveau film, elles sont vidées de leur substance, comme Gru d'ailleurs. Déjà très anecdotiques dans le second volet, Margo, Edith et Agnès ne servent plus à rien du tout si ce n'est à arrondir les angles et, surtout, à justifier le retournement final. On retrouve à peu près la même chose du côté de Lucy, qui offrait une dynamique amoureuse dans le second volet, une dynamique qui s'est immédiatement évaporée puisque les deux se sont mariés à la fin de Moi, moche et méchant 2.
Là où Moi, moche et méchant 3 trouve finalement grâce, c'est là où on l'y attend le moins : les minions. Véritables boulets sans cervelles, et faux cousins éloignés des célèbres Lapins Crétins, les minions ont toujours été la plus grosse entrave portée par la saga. En les mettant au centre de l'intrigue de Moi, moche et méchant 2, cela avait d'ailleurs complètement aggravé leur cas, surtout quand on ne les supportait pas ! Assez curieusement, leur rébellion dans Moi, moche et méchant 3 s'avère une vrai bouffée d'oxygène qui arrive, presque, à les rendre sympathiques. Quand les minions décident de voler de leurs propres ailes, ils réalisent bien vite que sans quelqu'un d'assez habile pour les rassembler, ils finissent par être rejetés par tous, sans compter le clivage qui s'installe entre eux. Les minions se lancent alors dans une étonnante campagne de réhabilitation de Gru, en vivant une aventure parallèle beaucoup moins absurde qu'auparavant. Les minions se dotent soudain d'une conscience, font preuve d'ingéniosité, et échafaudent un plan d'évasion audacieux afin de rejoindre leur ancien camarade !
Côté technique, Moi, moche et méchant 3 s'offre pour la première fois un format large de type Cinémascope. Le choix est finalement plutôt heureux puisqu'il colle résolument bien au style des films d'espionnage, même si celui-ci est avant tout comique. Le studio Illumination fait preuve d'un certain talent pour doser correctement tout ce qui est visible à l'écran, alors que le format est plus élargi que dans les trois volets précédents, préquelle comprise. Le film s'amuse régulièrement avec ce nouveau format en remplissant plusieurs fois l'écran d'un élément de décors, d'un objet, d'un véhicule, voire carrément d'un personnage, suffisamment "larges" pour remplir une grande partie l'écran et jouer ensuite une farce aux spectateurs. Dans l'ensemble Moi, moche et méchant 3 est propre, coloré et fluide, quand bien même il joue sur différents registres. Au contraire de l'image, la bande originale du film offre un mélange pas forcément bien choisi car elle fait le grand écart entre tubes rétros, typiques des années 1980, avec des titres contemporains mal assortis. De plus, la surabondance de ces titres occulte complètement le travail de Heitor Pereira, dont on ne retient absolument aucun air une fois le film terminé (excepté le thème de Gru, mais parce qu'il est ancré dans notre esprit depuis le premier film). C'est dommage, parce qu'il y avait du bon caché sous ces nombreux tubes anglophones.
Dans les faits, Moi, moche et méchant 3 fait mieux que les deux précédents films de la franchise, mais reste définitivement bien loin de l'ingéniosité du tout premier Moi, moche et méchant, anticonformiste par excellence. Depuis, Gru s'est bien trop assagi pour réussir à se démarquer dans un monde où les héros des longs métrages animés sont relativement formatés et se ressemblent tous. Même si ce long métrage se termine une fois encore sur une fin ouverte, il serait vraiment sage de laisser ces personnages en paix. D'une part, ils ont fait leur temps, d'autre part, ils n'ont absolument plus rien à démontrer. Gru s'est peu à peu métamorphosé, il a des filles, il a une femme, il a maintenant une fratrie, bref, il a perdu tout le mordant qui le caractérisait autrefois. Comme ce film n'est pas mauvais en soit, c'est aussi une belle occasion de s'arrêter au bon moment. C'est à dire dès maintenant !
Olivier J.H. Kosinski - 26 janvier 2018
La lecture des vidéos directement depuis le site nécessite l'installation des cookies "eXperience" et "Catalogue" ainsi que des cookies tiers "Youtube" et "Vimeo". Conformément à la décision de la CNIL datant du 27 juillet 2016, votre consentement est donc nécessaire pour activer cette fonctionnalité.
Doublage Commun (France / Québec - 2017)
Minions : Pierre Coffin
Doublage (Québec - 2017)
Gru : Gilbert Lachance
Dru : François Godin
Lucy Wilde : Camille Cyr-Desmarais
Balthazar Bratt : Stéphane Rousseau
Les Minions : Pierre Coffin
Margo : Catherine Brunet
Édith : Elia St-Pierre
Agnès : Ludivine Reding
Silas de la Mollefesse : Benoît Gouin
Fritz : Thiéry Dubé
Doublage (France - 2017)
Gru : Gad Elmaleh
Dru : Arié Elmaleh
Lucy Wilde : Audrey Lamy
Balthazar Bratt : David Marsais
Les Minions : Pierre Coffin
Margo : Sarah Brannens
Édith : Lévanah Solomon
Agnès : Dizzie Le-Tan
Silas Dellamollefesse : Jean-Luc Atlan
Fritz : Benoît Allemane
Marlena Gru : Frédérique Cantrel
Valérie Da Vinci : Elsa Lepoivre
Directeur du musée : Xavier Fagnon
Journaliste : Philippe Spiteri
Sources :
Doublage au Québec
Carton Générique