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Studio Ghibli
Le garçon et le héron

Dix ans après avoir - encore - annoncé sa retraite, Le garçon et le héron est le 10e film d'animation réalisé par Hayao Miyazaki pour le studio Ghibli (le 12e depuis le début de sa carrière). Il est annoncé en 2016, puis proposé en salle au Japon le 14 juillet 2023 après 7 longues années de réalisation. Fait notoire, le long métrage ne bénéficie d'absolument aucune promotion sur le territoire japonais où il rencontre pourtant un très gros succès. Le film sort ensuite en France le 01 novembre 2023, il est le premier film Ghibli distribué par Wild Bunch en salle. Le film n'est actuellement pas annoncé au Québec. Le film bénéficie d'un unique doublage français.

L'intrigue

Après la disparition de sa mère dans un incendie, Mahito, un jeune garçon de 11 ans, doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne dans le village où elle a grandi. Il s'installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine où il rencontre un héron cendré qui l'aide à comprendre le monde qui l'entoure et percer les mystères de la vie...

Analyse de l'oeuvre

Plus de 25 ans après la première annonce d'une longue série de son départ à la retraite, finalement jamais concrétisée puisqu'il a produit cinq autres longs métrages, Hayao Miyazaki, du haut de ses 82 ans, nous propose en cette année 2023 encore un nouveau film d'animation : Le garçon et le héron. Évoquer l'attente et l'engouement autour du titre est un doux euphémisme, dans la mesure où il aura fallu dix longues années pour revoir l'artiste proposer quelque chose d'aussi ambitieux sur grand écran. Une chose est sûre, même si rien ne permet de dire qu'il s'agira effectivement du dernier de sa carrière, Le garçon et le héron ressemble véritablement à une oeuvre testament. Hayao Miyazaki rassemble en un seul long métrage un ensemble d'idées piochées à ses précédents films, sans pour autant proposer un pastiche de sa propre filmographie. On ne sait pas trop à quoi s'attendre quand le film commence, mais on comprend au fur et à mesure qu'il nous livre quelque chose de très inédit. Il brouille pourtant constamment nos repères en faisant des emprunts évidents à ses précédents films.

Par exemple, on retrouve la notion des déités animalières empruntées à Princesse Mononoké tout comme sa folie humaine. On retrouve également le catalyseur mystique qui donne tant de puissance et rend avide comme dans Le château dans le ciel. Les personnages traversent un étroit passage végétal qui les conduit dans un monde étrange comme dans Mon voisin Totoro. Le monde spirituel est à cheval entre le célèbre Le voyage de Chihiro et Nausicaa de la vallée du vent, tandis que l'impressionnant manoir organique rappelle le déglingué Château Ambulant. Le vent se lève n'est pas non plus omis, notamment par la relation amoureuse des adultes en pleine guerre mondiale. Relevons également l'attachement de l'auteur à l'aéronautique, comme dans Porco Rosso. Et on a aussi, bien que plus camouflé que d'ordinaire, une notion de merveilleux avec la fantasmagorie de Kiki la petite sorcière tout comme la douceur candide de Ponyo sur la falaise.

Pour autant, Le garçon et le héron est une oeuvre plus austère par rapport à la moyenne de ses précédents films. Le vent se lève n'était déjà pas un film très joyeux dans son approche narrative, avec un homme qui se réfugiait dans le travail pour étouffer dans son coeur la maladie de sa femme. Le garçon et le héron va beaucoup plus loin, presque à plonger dans la mélancolie, puisque l'intrigue aborde frontalement le temps qui passe et ses conséquences. Par certains côtés, je n'ai pu m'empêcher de voir dans le film une version romancée et abrégée des propres questions existentielles de Hayao Miyazaki qui fait le point sur sa vie, ses choix, sa carrière et, surtout, sur la manière de la transmettre aux générations futures. Une séquence clé du film semble d'ailleurs étonnamment résonner comme une allégorie de ses relations avec son fils Goro, dont il est de notoriété publique qu'ils ne sont guères sur la même longueur d'onde et que la reprise du studio Ghibli n'a jamais été dans les intentions de son fils.

On retrouve également cette très improbable coïncidence d'une figure paternelle travaillant dans l'aviation, comme c'était effectivement le cas du père de Hayao Miyazaki, tandis que la figure maternelle du film a une santé très fragile qui la conduit à l'hôpital, comme sa propre mère. Enfin, Le garçon et le héron met en scène un jeune garçon qui doit précipitamment quitter Tokyo par temps de guerre, pour aller vivre à la campagne durant quelques années comme ce fut effectivement le cas de la famille de Hayao Miyazaki. Ce sont tous ces petits éléments anecdotiques, mais assez révélateurs, qui, mis bout-à-bout, me font inévitablement penser que Le garçon et le héron est véritablement son oeuvre testament comme évoquée plus haut.

Paradoxalement, même si le propos reste souvent morne, Le garçon et le héron est aussi un long métrage qui déborde d'un amour filial. Dès le début du film, le jeune Mahito va perdre sa mère de façon tragique et cruelle. Pour autant, il n'aura de cesse de constamment la rechercher. En suivant ses traces, dans un certain sens, le long métrage évoque les différentes étapes du deuil que Hayao Miyazaki brosse à travers différents tableaux graphiques et sensoriels. Mahito est happé, malgré lui, dans des lieux qu'il ne désirait pas vraiment connaître, d'abord de manière réelle (son départ de Tokyo), puis de manière allégorique (dans l'autre monde). Mais la curiosité, mêlé de son désir de retrouver sa mère, le pousse continuellement plus loin à l'exploration des profondeurs de son âme. Mais il le fait dans un premier temps de façon déconnectée, détaché de tout ce qui l'entoure, comme s'il s'était fermé au moindre sentiment, tel un automate.

Toutefois, peu à peu, chaque personnage qu'il va croiser sont autant d'étapes pour rouvrir son coeur aux émotions. En confrontation finale, comme on en trouve dans de nombreuses productions japonaises surtout dans la sphère des mangas, Mahito va devoir mettre de l'ordre dans ce qu'il vient de vivre et faire un choix pour son avenir. Celui-ci sera à la fois très intéressant et très habile, plutôt mature pour un enfant de cet âge, déjouant dès lors tous les pronostics du destin. Là encore, Hayao Miyazaki joue une nouvelle fois sur les codes temporels, faisant dès lors résonner Le garçon et le héron comme une conclusion logique et naturelle de l'ensemble de sa carrière. Comme un point final de meilleure facture que ne l'avait été Le vent se lève en 2013.

Pour ce qui est de l'esthétique, c'est quand même quelque chose de revoir s'afficher la touche Miyazaki sur grand écran (et le grand Totoro sur fond bleu !). Il y a eu beaucoup de films d'excellentes factures en provenance du Japon ces dernières années, dont beaucoup d'artistes se prétendent d'ailleurs être ses dignes héritiers. Il n'empêche, cette touche Ghibli inégalable m'avait vraiment manquée. La touche Miyazaki est reconnaissable entre mille. Tout comme le récit semble plus-ou-moins autobiographique, en puisant dans la vie de son auteur, les environnements, l'animation et les décors de Le garçon et le héron font littéralement échos à toutes les précédentes réalisations du réalisateur. Je l'avais déjà écrit plus haut, mais j'en remets ici une couche ici car c'est vrai. Hayao Miyazaki fait d'ailleurs lui-même un gros clin d'oeil à ses propres films lorsque Mahito fait tomber accidentellement des livres au sol.

Même si le passage est très bref (soyez attentif à ce moment-là !), vous remarquerez que chaque couverture des livres qu'il ramasse nous rappelle chacun des précédents films du réalisateur. C'est très malin de sa part, même si ce n'était pas nécessaire puisqu'on reconnaît sa patte sur l'ensemble du long métrage. On retrouve d'ailleurs les principaux codes visuels qu'il a employés jusqu'alors, mais utilisés dans un long métrage qui, aussi étonnant que cela puisse paraître, ne ressemble à aucun autre de sa filmographie. Hayao Miyazaki ne fait pas du neuf avec du vieux, il ne recycle pas non plus d'anciennes idées, il semble surtout avoir tout fourré dans un sac, bien secoué l'ensemble pour en ressortir tout ce qu'il savait faire de mieux afin de servir une intrigue complètement inédite. Hayao Miyazaki arrive donc, à son âge, à complètement se renouveler et toujours autant nous surprendre.

En fin de compte, ayant volontairement laissé de côté la plus grande partie du scénario pour vous laisser le soin de l'aborder et l'apprécier par vous-même, quelle conclusion faut-il tirer de Le garçon et le héron ? Est-ce un bon film ? Est-ce un mauvais film ? Je dirais plutôt qu'il s'agit principalement d'une expérience émotionnelle qui ne peut vous atteindre que si vous avez déjà une sensibilité avec le thème ou une affinité avec la filmographie de Hayao Miyazaki. Je retiendrais surtout que le long métrage s'avère assez déconcertant au début, qu'on a beaucoup de mal à voir dans quelle direction le film veut nous emmener, ce qui parfois crée une grande confusion. Cependant, le grand final balaye tous les a priori et permet de totalement réévaluer le long métrage dans son ensemble. Car, même si la morale de l'intrigue reste plutôt douce-amère, comme c'était aussi déjà un peu le cas de Le voyage de Chihiro et Le vent se lève, le long métrage se referme finalement sur une note positive venant brillamment couronner les 60 ans de carrière de Hayao Miyazaki. Peut-être nous sortira-t-il encore un prochain film, qui sait, mais, dans tous les cas, il nous laisse, avec Le garçon et le héron, un très bel héritage.

Olivier J.H. Kosinski - 30 octobre 2023

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La voir sur Youtube

Voxographie Francophone

Doublage (France - 2023)

Mahito : Gavril Dartevelle

Héron gris : Padrig Vion

Kiriko : Juliette Allain

Natsuko : Julie Pilod

Shoichi : Dimitri Rataud

Himi : Pauline Belle

Aiko : Frédérique Cantrel

Grand-oncle : François Marthouret

Izumi : Marie-Christine Adam

Roi Perruche : Simon Volodine

Ériko : Colette Venhard

Sources :
Dossier de presse

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