Analyse de l'oeuvre
Il aura mis du temps pour nous revenir coiffé de son chapeau et de ses célèbres bottes ! Plus de dix ans après le succès de son premier film, alors que la mise en chantier de cette suite avait pourtant immédiatement été annoncée. Mais les aléas de Dreamworks Animation, dont les résultats au box office ont soudain péréclités (Jeffrey Katzenberg ayant officiellement accusé Les cinq légendes de cette déroute en 2012), puis sa mise en vente auprès de Comcast quelques années après ont finalement longtemps compromis le retour du chat latino débarqué de la saga Shrek. À la vue du résultat à l'écran, on ne peut se réjouir que cette décennie ait été mise à profit pour proposer une intrigue de très grande qualité, servie par une esthétique franchement réussie. On avait pourtant tout à craindre devant les diverses bandes annonces et autres matériaux promotionnels qui ne vendent vraiment pas correctement le long métrage. Le Chat Potté 2 - La dernière quête renoue également avec l'esprit Shrek, à savoir le détournement des contes de fées, mais sans la lourde dimension potache qui caractérisait la quadrilogie qui a vu naître le célèbre matou. Ce qui rend l'expérience fortement agréable, tout en laissant en tête l'idée que le renouveau de la saga de l'ogre, un temps annoncé, un temps oublié, pourrait très largement bénéficier de cette redéfinition convaincante de l'univers tout entier des personnages.
Si le retour du Chat Potté fonctionne aussi bien, c'est au prix de quelques petits sacrifices et problèmes de continuité. Si l'on suit la chronologie officielle, les deux opus s'intercalent avant et après les quatre volets de Shrek. Le premier film avait déjà un peu de mal à être cohérent avec l'apparition du personnage dans Shrek 2, mais comme cela se passait avant, on l'acceptait sans trop se poser de questions existentielles. Le Chat Potté 2 - La dernière quête est un tantinet moins logique, car il élude une grande partie des questions que l'on se pose autour du départ du Chat Potté de Fort Fort Lointain. Plusieurs évènements majeurs, dont le principal concernant Kitty, semblent un peu trop tirés par les cheveux et ont beaucoup de mal à se justifier vis-à-vis de la cohérence temporelle de tous les opus de la saga. Mais, en vérité, la grande introduction du long métrage sert justement de tremplin pour indiquer que Dreamworks Animation n'a aucune intention d'expliquer quoi que ce soit, si ce n'est de proposer aux spectateurs une vaste intrigue à la seule gloire du Chat Potté, comme une seconde renaissance d'un personnage qui avait, depuis dix ans maintenant, été écarté des feux des projecteurs. Comme le phénix, il renaît de ses cendres avec une nouvelle personnalité et de nouveaux apparats, mais c'est comme s'il ne nous avait finalement jamais quitté. Mieux, le Chat Potté se réinvente pour mieux redevenir l'icône qu'il a toujours été.
Dreamworks Animation fait ainsi le pari, audacieux, de mettre le Chat Potté face à ses responsabilités. Ayant atteint le summum de ses capacités au point de n'avoir plus peur de rien, Potté finit par être sacré comme véritable légende vivante. Mais, tel Icare brûlant ses ailes à trop vouloir se rapprocher du Soleil, il découvre en lui une faille auquel il n'avait pas pensé jusque-là. Quoi qu'il puisse en penser, il réalise qu'il n'est qu'un simple mortel parmi les autres. Dès lors, apprenant qu'il avait déjà épuisé sa réserve de vies de chat, le voilà qui dégringole soudain de son piédestal et prend la poudre d'escampette. S'ensuit alors une première partie du long métrage qui désacralise complètement le personnage. Le voici réduit à un vulgaire chat de salon qui n'a plus l'ombre de la moindre estime pour lui-même. Mais un étonnant quatuor débarque dans la maisonnée, ce qui ravive en lui le goût de l'aventure. Sauf qu'il s'agit cette fois loin d'être une noble quête, bien au contraire. Potté doit tout réapprendre aux contacts d'anciens comme de nouveaux personnages très hauts en couleur. On apprécie d'ailleurs sa profonde remise en question ainsi que son long chemin émotionnel qui mène, certes, à une conclusion assez évidente, mais qui s'avère extrêmement riche en rebondissements.
Pour sa construction narrative, Le Chat Potté 2 - La dernière quête épouse les codes des vieux westerns spaghettis, non sans une touche de fantaisie, vraisemblablement inspirés par la Trilogie du dollar de Sergio Leone. Car, contrairement aux précédents films de Dreamworks Animation, mais surtout des précédents opus de la saga Shrek, il n'est point ici question de héros. Il n'y a pas de vrais gentils dans le film, chacun se lançant dans une quête pour leur seule gloire personnelle. Bien évidemment, le long métrage s'échine à changer la donne pour donner le beau rôle au Chat Potté, mais on ne peut nier que ce dernier se lance dans l'aventure par pur égoïsme. Et, comme un blasphème par rapport à ce que tout le monde l'imagine tel le Zorro volant au secours de son peuple, il se voit poursuivi par sa part d'ombre qu'il a, lui-même, appelé en se détournant de sa quête héroïque. Une ombre personnifiée par un loup démoniaque qui annonce sa présence par un sifflement effrayant, rappelant là encore la Trilogie du dollar via les célèbres sifflements du musicien espagnol Curro Savoye, tout comme le célèbre thème à l'harmonica de Il était une fois dans l'Ouest. Dans un sens, Le Chat Potté 2 - La dernière quête est un intéressant contrepoint à Le Chat Potté, tout comme il en est son épilogue. Dans le premier film, le personnage décidait de se ranger du côté du bien malgré son passé trouble. Ensuite, suivant la chronologie, dans la saga Shrek, Potté s'enorgueillait d'être devenu la plus fine lame du monde entier. Enfin, au début de Le Chat Potté 2 - La dernière quête, Potté a désormais oublié ses valeurs morales et se voit rattraper par ses démons intérieurs. C'est à la fois brillant et cohérent avec le personnage.
Les diverses bandes annonces de Le Chat Potté 2 - La dernière quête laissaient quelque peu dubitatif quant au choix esthétique appliqué par Dreamworks Animation. Preuve que la campagne publicitaire n'était décidément pas bien pensée, le long métrage ne se résume en réalité pas simplement à cet aspect aquarelle, que l'on pourrait même quelquefois se hasarder à qualifier de "Ghiblien". Le Chat Potté 2 - La dernière quête fourmille de belles idées de mise en scène, enchaîne divers styles très variés à la fois en accord avec le style des précédents films, mais en apportant aussi sa touche personnelle. Le long métrage puise aussi certaines de ses idées dans le style animé japonais, notamment dans les divers moments d'affrontement entre les personnages. Le rendu est propre, soigné et particulièrement palpitant, à un point d'en regretter ne pas l'avoir vu en 3-D, qui doit quand même être quelque chose. Saluons aussi l'idée d'avoir repris les codes de Shrek, en puisant dans les contes de fées et le patrimoine culturel mondial, pour forger certains moments les plus mémorables du long métrage. Car, contrairement à la saga Shrek qui s'était fourvoyée dans le potache excessif, Le Chat Potté 2 - La dernière quête parvient à bien mieux rendre cohérent ses "crossovers" improbables. Car ici, chaque clin d'oeil ne sert pas à faire rire, mais à rendre complice le spectateur avec le délire du scénario. Sans compter que ses innombrables emprunts, comme le sac sans fond de Mary Poppins, servent totalement le récit sans jamais l'alourdir.
Pour la bande originale, Dreamworks Animation fait appel à Heitor Pereira, un illustre inconnu pour moi. Après avoir brièvement consulté quelques biographies, l'homme semble avoir très régulièrement contribué à de nombreuses bandes originales de film, principalement en tant que musicien à la guitare, majoritairement sous la houlette de Hans Zimmer. Ses compositions originales autonomes pour des films semblent au contraire moins nombreuses et, en grande partie, pour le monde du cinéma d'animation. Je ne sais pas si ces origines brésiliennes ont beaucoup jouées, toujours est-il que Heitor Pereira apporte une dimension latine très convaincante à Le Chat Potté 2 - La dernière quête, d'autant plus qu'il n'a contribué ni à la bande originale du premier film, ni aux thèmes associés au Chat Potté dans la saga Shrek. Pour autant, le compositeur respecte totalement les origines hispano-américaines du personnage, conservant tous les clichés habituellement associés à la culture hispanique (trompettes, castagnettes, banjo et la plupart des instruments à cordes mexicains), avec une prédisposition pour la guitare tel un fil rouge auditif dans le film. Cela lui donne un côté musical épique très réussi rappelant, à nouveau, l'aspect western. Heitor Pereira fait également appel, à quelques moments clés, à des titres espagnols mondialement connus, qu'il utilise de façon très judicieuse dans le récit. Mention spéciale au morceau inédit "Fearless Hero", particulièrement par Antonio Banderas dans la version originale !
Je ne m'attendais à rien quand Le Chat Potté 2 - La dernière quête a été officiellement ré-annoncé, il faut dire que beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts depuis sa première annonce. J'ai par contre été nettement plus dubitatif face aux différentes bandes annonces proposées. Une erreur compréhensible tant l'équipe marketing a totalement loupé la promotion du long métrage, qui n'a finalement presque rien à voir avec ce qui nous en est vendu. Car, en réalité, Le Chat Potté 2 - La dernière quête est une excellente surprise, divertissante à souhait, pleine d'audace et annonçant un vrai renouveau pour la franchise Shrek. C'est d'autant plus remarquable que l'intrigue se veut de grande qualité, que l'esthétique sert totalement le propos sans jamais l'alourdir et que les personnages sont tous très bien écrits. Bref, Le Chat Potté 2 - La dernière quête vaut vraiment le détour !
Olivier J.H. Kosinski - 09 février 2023
