Détective Conan - La mélodie de la peur est le douzième long métrage inspiré du manga créé par Gosho Aoyama. Il sort au Japon le 19 avril 2008 et pour la première fois en France le 30 janvier 2020, exclusivement en VOST, en même temps que les 16 premiers longs métrages édités par Black Box. Il reste actuellement inédit au Québec.
N.B. : Si l'envie vous en prend d'alterner la lecture du manga avec les films, sans tenir compte de la série télévisée, j'ai établi une Chronologie Films / Mangas où je préconise de placer celui-ci entre les dossiers 5 et 6 du volume 63.
Quelques jours avant le concert inaugural de la salle de concert Doumoto, une explosion blesse grièvement la violoniste de renommée internationale Kabe Souko et deux musiciens. Quand la police découvre que la victime avait quelques instants avant l'explosion envoyé un SMS à la chanteuse d'opéra Akiba Reiko, Conan et ses amis ne tardent pas à découvrir que cette dernière est déjà devenue la cible d'un agresseur particulièrement audacieux et prêt à tout pour la réduire au silence. Mais pour quelle raison ?
S'il y a bien une chose que l'on ne peut pas reprocher aux longs métrages Détective Conan, c'est bien la diversité des intrigues proposées. Certes, enquêtes policières obligent, il y a souvent des personnages qui trépassent pour justifier toute l'histoire. Toutefois, chaque long métrage renouvelle systématiquement ses thématiques et emmène ses spectateurs hors des sentiers battus. En vérité, à l'exception des hommes en noirs qui sont finalement le seul thème relativement récurrent, même si peu fréquent, chaque long métrage de la saga est globalement unique en son genre. Ce douzième long métrage s'aventure sur un terrain jusqu'ici inexploité par le petit détective, la musique, non pas seulement classique comme il m'est souvent arrivé de le lire ici et là, mais surtout sacrée. En d'autres termes, La mélodie de la peur intègre dans sa narration de la musique religieuse, en témoigne le très célèbre Ave Maria de Schubert qui revient régulièrement tout au long du film, même si le compositeur ne la destinait pas à en faire une chanson d'église, tout comme le tout aussi mondialement connu Amazing Grace écrit par John Newton sur une musique de William Walker. De fait, je me souviens avoir lu que ce long métrage avait déstabilisé certains spectateurs lors de sa sortie et qu'il avait été peu apprécié du plus grand nombre. Ce n'est pas mon cas, je trouve même que l'antagoniste de La mélodie de la peur se montre au contraire très habile dans sa façon d'utiliser la musique pour assouvir sa folie destructrice.
En dehors de son intégration de la musique sacrée, dont je reparlerai un peu plus loin, La mélodie de la peur propose également une intrigue qui berne son public pendant un peu plus d'une heure. Tout ce qui semble être ou paraître se révèle en réalité totalement faux. Le grand adversaire de Conan Edogawa s'échine à multiplier les fausses pistes et à détourner le regard, tel un habile illusionniste, même si le petit détective commence assez tôt à reconstituer le puzzle et soupçonner la bonne personne avant tout le monde. L'autre particularité du long métrage, c'est qu'il ne dispose d'aucune réelle grande scène d'action qui sont généralement la marque de fabrique de la saga au cinéma. Au contraire, La mélodie de la peur préfère proposer plusieurs petites scènes de grandes tensions, brèves mais efficaces, à l'image d'une partition qui enchaîne des moments d'apaisement et d'emballement. Il faut dire que l'antagoniste ne laisse pas vraiment de répit à sa pauvre victime, alors que celle-ci s'entête à n'en faire... qu'à sa tête. Tout comme Conan d'ailleurs qui la suit comme son ombre.
La thématique principale de La mélodie de la peur tourne principalement autour de trois concepts : une blessure qui provoque une cassure dans l'âme, l'incompréhension entre deux personnes créant une faille entre eux et l'absence de regrets conduisant à des évènements difficilement pardonnables. On retrouve tout cela dans les différents choix d'accompagnements musicaux du long métrage. Le long métrage intègre ainsi, sans que cette liste soit exhaustive, des extraits de La Sonate pour violoncelle et piano numéro 3 de Beethoven, La Toccata et fugue en ré mineur de Jean-Sébastien Bach (dont Walt Disney a aussi puisé quelques idées pour Fantasia), Le Messie de Georg Friedrich Haendel, mais également La Chaconne de Tomaso Antonio Vitali, réputée exigeante par les violonistes par ses brusques et nombreux changements de mouvements, sans oublier bien évident Ave Maria et Amazing Grace déjà évoqués plus haut. Bref, le long métrage embrasse un répertoire assez large de musiques classiques et sacrées pour la plupart bien connues, ce qui crée une atmosphère singulière au long métrage. Un sentiment qui se renforce d'ailleurs par les autres compositions de Katsuo Ono, propres au film, qui s'intègrent harmonieusement avec elles.
Visuellement, La mélodie de la peur est un long métrage très propre et, plus surprenant, particulièrement lumineux même dans ses scènes se passant de nuit. Sa dominante de couleurs chaleureuses contrastent d'ailleurs fortement avec le drame qui couve dans l'ombre, dirigée par une main de maître par un antagoniste que rien ne semble pouvoir arrêter. Comme le fait la saga depuis un moment maintenant, La mélodie de la peur s'empare une fois encore d'un véritable endroit qui existe, en l'occurrence la salle de concert du gratte ciel Tokyo Opera City, afin de mieux le distordre pour l'intégrer comme lieu principal de l'action de l'intrigue. Ironiquement, alors que cette salle est au coeur de l'histoire, tout le jeu de l'intrigue se déroule en réalité à l'extérieur de celle-ci. Parfaitement insonorisée et coupée du reste du monde, elle est ainsi le lieu d'un drame qui se joue devant le reste du monde sans que ceux qui y sont installés ne s'en rendent compte. Si le reste de l'animation de La mélodie de la peur est globalement propre, je reprocherai cependant quelques tâtonnements au niveau des yeux des personnages qui semblent, sur certains plans, assez disproportionnés.
La mélodie de la peur est également l'un des rares films à laisser de côté la plupart de ses personnages principaux habituels. Exception faite de Conan lui-même, Agasa, Kogoro, Ran, Sonoko, Ai et la bande des Détectives Juniors sont très nettement mis en retrait dans ce film. En contrepartie, hormis bien évidemment les nouveaux personnages, le long métrage a le mérite de faire la part belle à l'inspecteur Tagaki et, plus particulièrement, à l'inspecteur Sato, dont les excellentes prouesses au tir ont été très largement négligées dans les autres films jusqu'à présent. Plus étonnant, Shinichi Kudo est pour la première fois très largement relégué à l'arrière plan, n'ayant cette fois absolument aucune grande scène pour lui, si ce n'est quelques flashbacks faisant écho à un épisode de la série télévisée qui servait de tremplin au long métrage. Pour le reste, c'est bien évidemment Reiko Akiba qui tire son épingle du jeu. La cantatrice tient une place importante dans le récit, prenant parfois des initiatives inattendues, obligeant Conan à intervenir auprès d'elle. Il faut dire qu'elle a exactement le même caractère emporté que Shinichi et se laisse elle-aussi très facilement emporter par son élan, quitte à se mettre volontairement en danger histoire de détourner l'attention du coupable.
Plus posé que ces prédécesseurs, La mélodie de la peur n'en reste pourtant pas moins passionnant à suivre. Par son choix d'intégrer de la musique classique et sacrée, le long métrage détonne énormément parmi tous les autres, y compris parmi les plus récents. Certes, le film n'échappe pas à ces quelques facilités, à l'image de cette histoire d'oreille absolue opportune ou encore ces quelques idées totalement tirées par les cheveux, comme cette scène de coup de fil vocal à distance, mais cela fait parti du charme de la saga Détective Conan qui n'en est pas à sa première trouvaille de ce genre. Dans tous les cas, La mélodie de la peur s'avère encore plus captivant si vous avez une sensibilité naturelle avec la plupart des airs musicaux entendus durant tout le film. Car vous en apprécierez d'autant plus les subtilités de l'intrigue définitivement interconnectées avec la musique.
Olivier J.H. Kosinski - 16 août 2020
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