Analyse de l'oeuvre
Arrivez-vous à imaginer que cela fait déjà 23 ans que Ginger et Rocky sont parvenus à s'enfuir, de façon rocambolesque, de la ferme de Mme Tweedy ? Pendant de nombreuses années, il a d'ailleurs été question de produire un second opus à ce premier grand succès de l'animation en volume du studio Aardman qui s'est, depuis lors, fait une grande réputation internationale. Il est toujours extrêmement délicat de produire une suite lorsque plusieurs décennies séparent certains films, mais preuve en est qu'Aardman a bien des idées pour réussir le tour de force de produire une suite de qualité qui, certes, n'a rien d'aussi surprenant et novateur que Chicken Run en son temps, mais qui réussi tout de même à ne jamais saccager le mythe. S'il y a bien une seule chose qui puisse être prise en défaut reste son scénario, car il rappelle dans les grandes lignes, celui de La petite sirène 2 - Retour à l'océan. On y trouve plusieurs similitudes dont le renversement de la situation par rapport au premier film, le peu de désir d'une mère à repartir au front car elle a désormais un situation familiale qui risque de tout compromettre, la jeune fille fougueuse qui rêve du monde au delà des barrières et finit par fuguer afin de poursuivre son rêve, ou encore la cruelle désillusion de la réalité au delà des frontières. Malgré tout, Chicken Run - La menace nuggets se révèle sur la durée très appréciable, car le long métrage regorge de situations ubuesques, d'une grosse dose de fun et, surtout, d'une grande malice.
Dans Chicken Run - La menace nuggets, on reprend les mêmes protagonistes et on recommence. Enfin, tout du moins, dans les grandes lignes car, cette fois, on inverse complètement le propos. Dans Chicken Run, le moteur de l'intrigue était de fuir à tout prix un élevage de poules. Cette fois-ci, le moteur de l'intrigue, c'est d'infiltrer à tout prix un élevage de poules. L'idée est aussi lumineuse que cocasse, car Ginger freine des quatre fers à reprendre les armes. Mais quand l'appel de l'aventure est à sa porte, surtout parce que sa fille intrépide n'a pas conscience du piège dans lequel elle se fourre, Ginger n'a pas d'autres choix que de monter un nouveau stratagème pour aller la sauver. Pour cela, le studio Aardman déploie des moyens ingénieux pour rendre l'aventure follement cocasse car les britanniques, spécialistes du genre, tordent le cou aux clichés des comédies d'espionnage. Bien sûr, on y retrouve à peu près tous les codes du genre, avec une prédisposition au style des années 60 dominées par le célèbre James Bond. Toutefois, Chicken Run - La menace nuggets lorgne plutôt du côté de la trilogie française Fantômas où ce n'est pas une bande d'espions surdoués qui vont infiltrer une base, mais une bande de bras cassés dont on se demande comment elle réussit à s'en sortir aussi habilement. Parce que, franchement, malgré toute sa bonne volonté, la bande de poulettes menée par Ginger s'en sort parce que ceux qui sont en face d'eux sont tout aussi incompétents qu'elles ! Pourtant, on en savoure chacune de leurs opérations.
Qualitativement, on ne ressent quasiment pas que 23 ans séparent cette suite de son aîné, principalement parce que le studio Aardman a fait en sorte de recréer minutieusement les personnages de l'époque. Par contre, il est indéniable que Chicken Run - La menace nuggets s'avère bien plus moderne. Le studio Aardman est désormais parfaitement aguerri dans l'art du stop motion dont c'est leur marque de fabrique depuis plus de trente ans maintenant. Ils font toujours en sorte que tout soit parfaitement réaliste et crédible, avec une animation image par image d'excellente qualité. Toutefois, le long métrage utilise tout un panel de judicieux effets spéciaux, en ayant recours à l'animation 2D mais également à l'animation 3D. Jamais une seule fois cela ne dénature l'expérience, bien au contraire, tant ce qui est proposé à l'écran est vraiment bluffant. Par ailleurs, on savoure avec délectation la plupart des dialogues du film qui multiplie les calembours et les traits d'humour percutants. Saluons d'ailleurs au passage la qualité du doublage français, excellent dans son ensemble, même si tous les comédiens de l'époque ont été remplacés, comme c'est aussi le cas dans la version originale.
Attendu de longue date, Chicken Run - La menace nuggets se révèle au final particulièrement savoureux et croustillant. Sans pour autant se vouloir militant, le studio Aardman propose une aventure très amusante sans pour autant escamoter la réalité alimentaire bien cruelle cachée derrière les délicieux nuggets. On se laisse porter par la détermination de Ginger, tout comme celle de Molly, à qui sa mère passe le flambeau dans ce second opus face à une redoutable ennemie qui ressurgit du passé. A aucun moment, Chicken Run - La menace nuggets ne saccage le mythe du premier film, puisque celui-ci se place comme son digne héritier. A savourer en famille devant l'écran de télévision… en partageant une boite de nuggets.
Olivier J.H. Kosinski - 27 janvier 2024
