Analyse de l'oeuvre
Coïncidence fortuite de publication, qui n'était pas du tout préméditée, Titeuf fête cette année ses 30 ans, avec un 18e album paru il y a seulement quelques jours. Ironiquement, cela me ramène également au début de ma carrière où, cherchant à renouveler les collections de bandes dessinées pour la jeunesse, je demandais à la librairie quelque chose d'intéressant à ajouter en rayon. Bien qu'on ne pouvait en théorie pas passer à côté du phénomène, puisque le personnage était en plein coeur d'une actualité polémique avec son Guide du zizi sexuel, je n'avais pourtant jamais ouvert le moindre album des aventures trépidantes de Titeuf. A la même période, Titeuf déboulait également sur le petit écran, avec la voix enrouée de Donald Reignoux que je trouvais absolument horripilante (alors que tous les fans de Titeuf lui voue un vraie culte pour avoir trouvé cette voix caractéristique, personnellement je lui préfère, de très loin, sa voix naturelle), ce qui m'avait encore moins aidé à approcher le personnage. Je me suis cependant laissé convaincre d'acheter au moins un album, qui a évidemment rencontré un vif succès en prêt auprès des jeunes lecteurs. Ma curiosité naturelle m'a poussé à y jeter un coup d'oeil, où j'en suis ressorti avec un grand "bof". Beaucoup de bruit pour pas grand chose, un humour qui ne vole pas bien haut, un dessin finalement très simpliste et un côté irrévérencieux porté sur le sexe qui ne semblait avoir été mis là que pour évacuer le trop plein de son auteur Zep (le blog officiel de l'artiste étant d'ailleurs à un niveau bien plus largement explicite que dans Titeuf). A choisir, même si je ne suis pas vraiment plus fan de lui, j'ai tendance à lui préférer son contemporain Le petit Spirou, dont l'approche humoristique, plus sarcastique me semble plus pertinente que l'humour premier degré de Titeuf. De fait, j'ai très longtemps évité soigneusement de croiser la route de Titeuf, le film même si je connaissais son existence depuis longtemps.
Sans aller dire que cela relevait de la corvée - j'aurais soigneusement et intentionnellement ignoré ce film comme je le fais parfois pour certains studios -, je me suis quand même demandé à quoi m'attendre avec ce Titeuf, le film. J'ai été étonnamment surpris par la première partie du récit, plus subtile que d'ordinaire avec le personnage, avant que, malheureusement, le soufflet s'effondre dans la seconde où le personnage retourne inexorablement dans ses travers habituels. Franchement, c'est dommage, car la première partie du récit était vraiment prometteuse. Dans celle-ci, Zep, qui écrit le scénario, choisit de mettre en scène une situation réaliste : la crise de couple entre les parents de Titeuf. Après une violente dispute, les deux envisagent sérieusement de mettre fin à leur couple. Cela introduit une dimension sensible et humaine que l'on ne retrouve d'ordinaire pas vraiment dans Titeuf, surtout dans la série télévisée qui privilégie plutôt l'humour. La relation brisée entre ses parents sonnent vraiment très juste, tout en nuance, avec une assez belle mise en scène. Il faut dire qu'on est quand même très largement au dessus de ce que l'on peut voir dans la série télévisée, on sent tout de suite que le budget n'est pas le même. L'attitude troublée de Titeuf, qui ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe, est aussi une jolie réussite. Dans un premier temps, il est perdu, puis il découvre qu'être avec un seul parent peut avoir certains avantages, pour enfin trouver la situation finalement bien pesante.
Passé ce cap, Titeuf, le film revient à ce qu'on attend habituellement du personnage. Il évacue la chose en faisant l'imbécile. Au début, cela s'avère plutôt efficace, car le long métrage prend le parti de ridiculiser les adultes. On assiste alors à un florilège de quiproquos, où chaque adulte croit déceler un malaise imaginaire chez Titeuf. Toutes ses mauvaises actions seraient donc une forme d'extériorisation selon eux. L'approche aurait franchement été intéressante si Titeuf, le film avait choisi de suivre cette direction jusqu'au bout. Sauf que non, malheureusement, le récit nous fait trop vite comprendre que cette situation lui passe finalement très loin au-dessus de la tête. Passé le cap émotionnel, trop bref, au premier tiers du long métrage, Titeuf monte tout un plan pour pécho Nadia. Absolument rien d'autre ne compte pour lui à ses yeux. Et comme il a une cervelle de petit pois, il prend absolument tout ce qu'on lui dit au pied de la lettre, ce qui gâche les rares scènes intéressantes du film, comme sa conversation avec sa mère à la ferme familiale. Quand à la dernière partie, Titeuf, le film renoue simplement avec l'esprit de la série télévisée avec une Nadia qui lui filera entre les doigts, car il est incapable de lui exprimer ses sentiments pour elle. Il ne faut pas briser le statu quo, même pour le film, cela aurait remis en question tout l'univers de Titeuf. Dans un sens, une fois le film terminé, on a l'impression d'avoir assisté à trois épisodes d'une série qui aurait été mal accordés entre eux, tant leurs thèmes sont dissonants. Le début restant la meilleure des trois parties.
Comme déjà brièvement évoqué un peu plus tôt, Titeuf, le film reste une oeuvre visuellement très agréable. Très inspiré de l'univers visuel de la série télévisée, qui a beaucoup étoffé l'univers de Titeuf par rapport à la bande dessinée, le long métrage en respecte tous les codes mais en mieux. J'émettrais toutefois un bémol, même s'il s'agit probablement d'un parti-pris : le film semble souvent très plat. Ce que j'écris semble assez ironique, surtout quand on sait que Titeuf, le film a fait l'objet d'une réalisation en 3-D stéréoscopique, mais je n'arrive pas à passer à côté de l'absence de volume et de perspective dans les dessins. L'avantage du cinéma à domicile, c'est d'avoir le pouvoir du contrôle du direct. Si on prend la peine de mettre en pause le film, peu importe à quel moment, on se surprend systématiquement à voir le film comme une succession de couches d'oignon. En d'autres termes, un ensemble de dessins 2D posés les uns par dessus les autres. Ce qui est le principe d'un dessin animé en 2D vous me direz. Il n'empêche, comme ces dessins sont souvent dépourvus de perspectives et d'ombre, on n'a pas l'illusion du volume. La seule exception se trouve dans des objets et véhicules complexes, qui sont entièrement animés en 3D, comme les voitures par exemple. J'imagine que c'est un effet visuel volontaire, probablement pour rappeler les origines papiers de Titeuf, mais je trouve que c'est un peu dommage pour un long métrage de cette ampleur. Malgré tout, l'ensemble reste propre et cela n'est pas foncièrement gênant lorsque les images sont en mouvement.
Malgré ma crainte initiale, Titeuf, le film s'est finalement laissé regarder. Cela ne m'a pas vraiment réconcilié avec le personnage, ni avec l'univers développé par Zep, même s'il y a parfois des évènements inattendus qui s'y produisent (Ah ouais, Johnny Hallyday ? Sympa, mais je n'ai pas vraiment compris ce qu'il faisait là dedans). A moins d'avoir un coup de coeur pour le film sans connaître l'univers au préalable, ce qui est tout à fait possible vu que le scénario pense aux néophytes en présentant tout le monde, je pense que le long métrage s'adresse principalement à ses seuls fans. Il n'y a pas la moindre montée en puissance dans Titeuf, le film, ni aucune grande scène d'action digne d'un grand film animé sur grand écran. Les autres trouveront l'intrigue assez bateau, tout comme l'ensemble trop bavard et finiront par trouver ça bien ennuyeux.
Olivier J.H. Kosinski - 02 septembre 2023
