Au sortir de la saison 5 et du premier long métrage, ma bien aimée série fétiche va vivre un radical changement d'orientation. X-Files - Aux frontières du réel a définitivement changé. Déjà initié par une ambiance beaucoup trop « estivale » californienne dans le premier film au contraire de la série résolument humide de la région canadienne de Vancouver, toute l'équipe déménage en effet son lieu de production, principalement en raison des caprices de stars de David Duchovny qui refusait d'être éloigné trop longtemps de Téa Leoni avec qui il venait d'avoir leur premier enfant (on peut le comprendre). Refusant de perdre un acteur vedette de son show qui excelle dans les audiences à travers le monde, la 20th Century Fox ne refuse donc rien à la star, quitte à ce que les coûts de production de la série s'enfamme. Car c'est bien connu, si la majorité des séries américains sont tournées au Canada (dont on retrouve sans cesse les mêmes lieux et décors réels d'une série à l'autre, si, si, regardez attentivement !), et principalement autour de Vancouver, ville frontalière avec les Etats-Unis, c'est parce que cela coûte bien moins cher qu'en Californie.
La saison 6 de la série bouscule donc inévitablement nos habitudes, X-Files - Aux frontières du réel perd inexorablement son ambiance glauque, voire lugubre au profit d'épisodes résolument plus légers où la chaleur, les univers désertiques ou en plein jour contrastent définitivement avec ce qui avait réalisé précédemment dans la série. Pour autant, c'est une véritable libération que va connaître la série, car l'équipe est en grande partie renouvelée, permettant ainsi d'offrir un tout nouveau et immense terrain de jeu. X-Files - Aux frontières du réel se renouvelle et expérimente de nouvelles manières d'aborder les histoires. Contrairement à la saison 5, piégée dans sa narration par le premier film Combattre le futur qu'elle devait amener en douceur, la saison 6 s'émancipe enfin de sa poussive mythologie. La saison 6 va clairement être une saison à deux vitesses, dans la mesure où les « loners » - ces épisodes indépendants - vont s'envoler vers le firmament de l'ingéniosité tandis que son arc mythologique commencera à s'étouffer.
La saison 6 offre sans nul doute les « loners » les plus marquants de la série juste après la saison 3 : Poursuite sera un fabuleux road movie où Mulder est prit en otage par un homme qui prétend qu'il va mourir si la vitesse de la voiture diminue, Triangle offrira un voyage dans le temps amusant où la vie de plusieurs personnages se croisent et s'entrecroisent sans jamais se voir (un peu à la manière d'un certain futur 24h Chrono), Les amants maudits ouvrira le bal d'un succulent épisode à la fois effrayant et burlesque qui trouvera un contrepoint éloquant dans Bienvenue en Arcadie. On retiendra également le formidable thriller Photo mortelle où un étrange psychopathe semble capable de voir les morts des gens avant qu'ils ne meurent, ou encore Lundi et sa journée qui tourne en boucle.
Au contraire, la mythologie de la série s'essouffle. X-Files - Aux frontières du réel a résolument bien trop longtemps tiré sur la corde. Sans compter que le mythique tandem Glen Morgan et James Wong, à l'origine des meilleures idées sur la série, n'a pas suivi le reste de l'équipe en Californie. Dès lors Chris Carter décide de clore un chapitre pour en ouvrir un second, qui tardera cependant à être intéressant. Il faudra en effet attendre le tout dernier épisode de la saison 6 Biogénèse pour voir se dessiner une nouvelle et intéressante idée, qui fut par la suite de la série assez mal exploitée. De fait, la saison 6 offre des épisodes mythologiques très largement en dessous des attentes. Zone 51 se révèle tout aussi amusant qu'inutile à la série, tandis que Chris Carter ratera complètement la clôture de la mythologie de départ de la série dans un poussif double épisode simplement intitulé Toute la vérité. Bref, au contraire des saisons précédentes, la saison 6 va accuser le coup assez rudement. X-Files - Aux frontières du réel va entrer dans sa rude mais inévitable pente descendante, perdant ainsi pas mal de spectateurs en cours de route. Pour autant, la saison 6 reste à ce jour qualitativement la seconde meilleure saison de la série, juste après l'indétrônable saison 3.
Sans aucun doute aujourd'hui, Chris Carter et Frank Spotnitz ont clairement senti que X-Files - Aux frontières du réel devait tirer sa révérance en pleine gloire. Il font donc le voeux pieu que la saison 7 soit la dernière. Et finalement, on va le ressentir dès les premiers épisodes de cette saison. La série s'offre une nouvelle mythologie au premier abord passionnante : elle se permet de créer une corrélation entre la foie, la religion et l'implication des extra-terrestres dans la création de la vie sur Terre. L'infaillibilité de la foie de Scully va donc vaciller, en même temps que les spectateurs. L'idée est somme toute ingénieuse, brillante même, relançant X-Files - Aux frontières du réel sur des bases scénaristiques résolument plus saines. Malheureusement, la saison 7 va se révéler être comme un soufflet qui va éclater, laissant un goût d'inachevé malvenu à la série.
Comble de mauvais goût suprême, Vince Gilligan et Frank Spotnitz vont offrir une conclusion ahurissante de débilité à la somptueuse série Millennium qui mettait en vedette l'excellent Lance Henriksen, et qui a été annulée l'année précédente. Il faut dire que cette trop courte série a connu beaucoup de bouleversements. Imaginée à l'origine par Chris Carter comme le pendant de Profiler (produite par une chaîne concurrence, à découvrir sur ce même blog), devait mettre en scène un retraité de la police qui arrondissait ses fins de mois en jouant les profileurs sans aucun lien au paranormal et ceci, malgré le lien « spirituel » avec les assassins via ses rêves. Ce n'est qu'au moment où Glen Morgan et James Wong ont remodelé la série des mains de Chris Carter que la série a prit son envol magistral dans la dramaturgie, l'ésotérisme et surtout le fantastique. La saison 2 fut unanimement saluée dans le monde et reçu de nombreuses récompenses. Malgré les critiques dithyrambiques, Millennium ne rencontre finalement pas un succès d'audience. Glen Morgan et James Wong imaginent donc pas moins qu'une fin à la hauteur de leur idée : les trois quart de la population mondiale vont être décimés par un virus mortel ! Chris Carter, et surtout Frank Spotnitz, vont pourtant grincer des dents, ne reconnaissant pas leur bébé et conspuant à outrance la saison 2 de Millennium.
Ils réussissent alors à négocier une 3e et dernière saison dans laquelle toute la saison 2 va être reléguée à de l'histoire ancienne. Millennium adopte dès lors une trame calquée sur X-Files - Aux frontières du réel, à base de conspiration gouvernementale classique et prévisible. Comble de l'ironie, la saison 3 finit par faire écrouler le mythe, les audiences de la série se sont rapidement effondrée. La série n'aura même pas le droit de vivre sa transition au passage de l'an 2000 ! Un comble pour une série qui était basée sur cette date fatidique !! En toute logique, Vince Gilligan et Frank Spotnitz s'attellent donc à offrir une fin à Millennium. Sauf qu'au lieu d'offrir un inoubliable crossover avec X-Files - Aux frontières du réel, les deux séries se retrouvent entâchées d'un épisode abracadabrant digne d'une mauvaise série B qui, bien que dans l'idée bien plus proche de la saison 2 que de la saison 3, se révèle absolument indigeste si ce n'est de glisser à l'écran le premier baiser de Mulder et Scully. Une catastrophe télévisuelle qui ne rend honneur à aucune des deux superbes séries de Chris Carter !
Le reste de la saison 7 de X-Files - Aux frontières du réel s'avère relativement poussive, même si l'on salue l'initiative de clore une à une la plupart des intrigues depuis le tout début de la série. C'est ainsi que le double épisode Délivrance va enfin mettre un terme à la quête de Mulder pour retrouver sa soeur, dans une intrigue qui se conclura de la plus belle des manières. Mulder sera délivré de ce poids qu'il traine depuis son enfance, et nous autre en même temps que lui nous seront touché par la vérité aussi mystique soit elle. La saison 7 va également tenter d'autres expérimentations, en proposant un intéressant épisode Peur bleue où Vince Gilligan va jouer avec nos nerfs en tournant son épisode caméra à l'épaule façon « Projet Blair Witch » tout en finesse et en autosuggestion. Malgré tout, la saison 7 s'enlise, tandis que David Duchovny se lasse de son personnage. La saison 7 se doit donc de conclure à la base la série toute entière, tout en laissant la porte ouverte à un futur retour. Malgré tout Requiem n'est clairement pas à la hauteur des fins de saisons précédentes et laisse sans nul doute une impression douce amère que la série s'est clairement mal finie, surtout avec sa conspiration devenue imbuvable.
Évidemment, malgré sa baisse d'audience inéluctable (la saison 7 fait moins bien que la saison 2!!), et la qualité de ses scénarii en constante baisse, la 20th Century Fox n'a clairement pas envie de laisser partir sa poule aux oeufs d'or. David Duchovny est absent ? Qu'importe ! Que la série soit relancée en se basant sur le fait que Mulder a été enlevé par les extra-terrestres. Et peu importe ce qu'en penseront les fans qui ne peuvent concevoir la série sans le couple Mulder/Scully à l'écran. Pour autant, et contre toute attente, la saison 8 va partir sur les chapeaux de roues et relancer l'intérêt de X-Files - Aux frontières du réel. Même si je faisais à l'origine partis des personnes dubitatives, force est de reconnaître que le départ de Mulder a été plus que salutaire à la série. L'agent Dogget, interprété par l'ex « Terminator T-1000 » Robert Patrick, apporte un souffle nouveau aux intrigues, permettant de revenir aux véritables bases de la série : l'angoisse, le suspense et la confrontation entre réel et paranormal. Des notions que X-Files - Aux frontières du réel avait franchement perdu la saison précédente.
Que ce soit les double épisode d'introduction Chasse à l'Homme, Patience, Invocation, le début de la saison 8 est plus que prometteur jusqu'à l'apothéose que constitue Luminescence. Après cela, le retour de Mulder dans la série va se faire dans la douleur dans une double intrigue Espérance / Renaissances qui va poser les bases de la troisième, et à ce jour dernière, mythologie de la série. A savoir les « supers soldats ». Sans doute la pire de toutes, car elle balaye du revers de la main la succulente mais bien trop éphémère théorie de la création des humains par les extra-terrestres initié durant la saison 7. A mon immense regret, le retour de Mulder fait plonger X-Files - Aux frontières du réel dans ses plus gros travers. Couplée à l'histoire insipide de la grossesse de Scully, l'intérêt de la saison 8 s'écroule au fur et à mesure des épisodes. La mythologie des hybrides est certes revenues au devant de la scène, comme à ses origines, mais le traitement est devenue si désordonné, qu'on peine à y trouver son compte. La saison 8 se conclut donc aussi lamentablement qu'elle avait brillamment commencée…
Malgré cet échec artistique, la 20th Century Fox rechigne à lâcher l'affaire. Rien à faire, elle veut une nouvelle saison ! Et qu'importe si la saison 8 n'a guère fait mieux que la saison 7 !! La 20th Century Fox va pourtant tuer le mythe !!! Assurément, et en toute objectivité, la saison 9 est la saison de trop. Celle qui n'aurait jamais du exister, tout du moins sous cette forme et sous le titre de X-Files - Aux frontières du réel. Entre David Duchovny qui a définitivement tourné la page, et Gillian Anderson qui commence à faire de même en n'apparaissant que sporadiquement, la saison 9 de X-Files - Aux frontières du réel aurait gagné à être née en tant que série dérivée. Mais aurait-elle gagné en cohérence ? J'en doute, car la mythologie héritée dans la saison 8 n'avait plus aucun intérêt ni plus la moindre substance. Elle s'était évaporée, on ne sait plus trop à quel moment tant on en retenait plus rien du tout. Pour autant, tout n'est pas à jeter dans cette ultime saison de X-Files - Aux frontières du réel. La dynamique John Dogget / Monica Reyes offre à nouveau à la série un superbe tandem à l'écran. Les deux comédiens s'entendent à merveille, leurs bonnes relations à l'écran se ressent au delà de l'écran.
Malheureusement, le « nouveau couple » de la série est desservi par des intrigues brouillonnes qui n'ont plus l'ingéniosité, ni la fraîcheur et encore moins l'ambiance des premières saisons de la série. X-Files - Aux frontières du réel est d'ailleurs à nouveau mise à contribution pour conclure un autre brillante série morte bien trop tôt, The Lone Gunmen - Au coeur du complot, de façon bien plus convaincante que la pauvre Millennium. Il n'empêche, le constat est quand même sans appel, X-Files - Aux frontières du réel se meurt, il est plus que temps de refermer - enfin! - ce chapitre. Chris Carter va donc proposer en guise de conclusion un long téléfilm de 1h30 intitulé La vérité est ici en voulant sans doute jouer avec la fibre nostalgique des fans perdus depuis longtemps, puisqu'il fait intervenir la plupart des personnages majeurs des 6 premières saisons de la série. Malgré tout, la longue procédure juridique de ce dernier épisode n'offre rien de particulier à la série, oubliant même de la conclure purement et simplement ! Pire, elle ouvre la voie à une suite qui ne viendra ensuite jamais : l'invasion des aliens de la Terre était prévue pour le 22 décembre 2012 ! Chris Carter espérait sans nul doute voir la conclusion de la série portée une seconde et dernière fois à l'écran.
Malheureusement, entre les audiences calamiteuses de la saison 9, l'essor d'Internet qui conspua la mythologie et la fin de la série, et ceci sans oublier un conflit juridique musclé entre la 20th Century Fox et Chris Carter, le second long métrage ne fut que fortement compromis. Au point que la situation tendue entre les deux parties ne laisser présager aucun avenir à X-Files – Aux frontières du réel. Plus les années passèrent, moins la situation semblait s'arranger. Si bien qu'en 2007, je crus vraiment à un canular lorsque tout le monde évoqua la mise en chantier d'un second long métrage. Chris Carter jeta d'ailleurs un voile mystérieux autour de son nouveau film, mais lâcha tout de même une information capitale : le nouveau film n'aurait rien à voir avec la mythologie de la série. Alors que 99% des fans se renfrognèrent à une telle idée, j'en jubilais d'impatience ! On allait enfin mettre de côté cette insipide mythologie mise à mal depuis la saison 5 ? Mais quelle bonne nouvelle !
Je suis persuadé aujourd'hui que Régénération a connu un ratage en salle pour deux raisons particulières : d'abord, sortir un tel film en pleine période estivale face à des blockbuster était l'idée la plus idiote que la 20th Century Fox ai pu avoir. Ni l'ambiance, ni le scénario du film ne se prêtait à cette période de l'année chargée en sorties majeures. Ensuite, et surtout, sans avoir peur des mots, je reste persuadé que toute la mauvaise presse autour d'un film « n'évoquant pas la mythologie fabuleuse de la série » n'ont été portés que par les fans qui n'ont pas hésité à lâcher la série en cours de route pensant à tort retrouver à l'écran quelque chose de relativement proche de la brillante mythologie de ses débuts, alors qu'elle l'avait déjà perdue en cours de route depuis longtemps. Pour autant, Régénération est réellement tout le contraire de Combattre le futur en son temps dans la mesure où ce second long métrage est le plus bel hommage aux meilleurs « loners » jamais produit par la série. Avec le retour à l'ambiance mystérieuse, à l'intrigue tarabiscoté à la limite de la science et du paranormal, et surtout son cacher sombre et humide retrouvé grâce au tournage dans la région de Vancouver que la série n'aurait jamais du quitter. C'est donc pour cette raison qu'aujourd'hui encore je suis un grand fan de Régénération qui est le seul des deux longs métrages à être le plus représentatif d'un mythe de l'univers télévisuel aujourd'hui passé à la postérité ! Il n'empêche, comme beaucoup de fans, j'espère qu'un jour X-Files - Aux frontières du réel aura enfin droit à une véritable et définitive conclusion.
Olivier J.H. Kosinski - 23 octobre 2013