Le Tour du Monde en 80 Jours sort en salle le 16 juin 2004 au Québec, puis le 11 août 2004 en France. Le film dispose de deux doublages francophones.
Phileas Fogg est un excentrique inventeur aux yeux des membres de l'Académie Royale des Sciences de Londres. Il relève pourtant le défi lancé par Lord Kelvin et doit prouver à tous que le tour du monde en 80 jours est possible. Mais son périple va faire l'objet d'une sombre machination...
Lorsque Disney s'attelle à la mise en image d'un monument de la littérature française, nos lettrés franco-français font généralement grise mise. Du côté des critiques, ils font preuve d'un enthousiasme flagrant, notamment pour le monument 20 000 lieux sous les mers déjà inspiré de Jules Verne sorti en salle en 1957, et à son extrême opposé font preuve d'une levée de bouclier face à la « scandaleuse et outrancière version » remaniée du chef d'oeuvre de Victor Hugo pour Le Bossu de Notre-Dame ! Alors quand la compagnie tente à nouveau de piocher dans l'une de nos oeuvres patrimoniales, tout en y associant Jackie Chan et ses célèbres acrobaties, forcément, vous comprendrez tout de suite pourquoi les spécialistes français ont grincé des dents lors de la sortie en salle du film Le Tour du Monde en 80 Jours. Pourtant, s'il ne respecte évidemment pas à la lettre le roman du même nom, Disney s'efforce de garder quand même l'essentiel. Plus particulièrement le côté astucieux, amusant et aventureux. Cependant, Disney choisit le registre de la comédie pure, le film comporte donc un contenu très farfelu et un côté débridée totalement assumé. De fait, il faut obligatoirement choisir son camp face à Le Tour du Monde en 80 Jours. Soit on accepte le fan-service et les incohérences innombrables du long métrage, et on passe alors un bon moment de franche rigolade. Soit, au contraire, on refuse complètement cette adaptation anachronique et dépravée, nous obligeant à passer notre temps à critiquer constamment toutes les scènes du film. Je suis passé par les deux stades, faisant finalement une sorte de compromis en approuvant son côté divertissant, tout en lui reprochant plusieurs imperfections.
Pour les besoins du scénario, Le Tour du Monde en 80 Jours fait de nombreuses concessions par rapport au roman de Jules Verne. A commencer par le personnage de Phileas Fogg, qui est à l'origine un gentlemen éclairé passant sa vie dans une routine qui le satisfait pleinement. Dans la version Disney, Phileas Fogg (Steve Coogan) est un inventeur farfelu et excentrique dont on nous donne le ton dès l'introduction du film. Le personnage de Passe-Partout (Jackie Chan) est lui totalement métamorphosé. Du domestique rêvant d'une vie paisible qui prend finalement goût au voyage tout en se mettant dans des situations improbables retardant le tour du monde, il devient le personnage déclencheur de l'intrigue du film. Pour justifier sa présence, toute une histoire parallèle est développée, servant de fil secondaire au récit. A savoir le Bouda de Jade volé à son peuple qu'il souhaite rapporter incognito en Chine grâce à Phileas Fogg.
Mrs. Aouda par contre est totalement éliminée du film. Dans le roman elle est sauvée par Phileas Fogg afin de lui épargner d'être sacrifiée conformément à une coutume Sutti dans laquelle une épouse ne peut survivre à la mort de son Rajah. Assez froid avec elle tout au long du récit, Phileas Fogg finit par ouvrir son coeur à Mrs. Aouda qui tombe elle-même peu à peu amoureuse de son sauveur grâce à ses nobles actions. Dans le film, le personnage totalement inédit de Monique La Roche la remplace vraiment très mal, particulièrement parce que Cécile de France ne parvient pas à incarner son personnage au-delà de son opportunisme originel (elle profite du riche anglais pour faire le tour du monde à l'oeil). Dommage. Enfin, Fix (Ewen Bremner) passe de l'inspecteur zélé au bouffon de service. Avouons que dans son cas, on apprécie ses nombreuses apparitions et quelques unes de ses répliques (« Mes noisettes ») !
Par rapport au voyage en lui-même, le roman de Jules Verne est construit sans réel temps mort, utilisant le principe des ellipses, hormis les quelques péripéties que causent involontairement Passe-Partout et volontairement l'inspecteur Fix. L'histoire ne s'attarde donc pas sur des endroits et des lieux très précis, à l'exception de chacun des points d'étapes importants. Le Tour du Monde en 80 Jours s'émancipe du roman afin de nous faire voyager aussi bien dans des lieux évoqués dans le livre, qu'à travers des destinations inédites mais finalement assez logiques. Ainsi, plutôt que de prendre la voie des mers, Phileas Fogg choisit de s'embarquer à bord de l'Orient Express l'amenant naturellement à Istanbul, puis par un autre train pour Agra en Inde. Là, il va bifurquer par la Chine et le village de Lau Xing pour échapper à ses assaillants. Au sortir de ce passage, le plus mémorable du film, Le Tour du Monde en 80 Jours se remet à suivre plus ou moins fidèlement l'histoire de Jules Verne (seul le séjour au Japon n'est pas effectué) puisque la fine équipe traverse bel et bien San Francisco, New York et revient à Londres.
Dans les faits, ces choix de lieux exotiques n'apportent rien de particulier au scénario, si ce n'est bien sûr de voir défiler devant nos yeux ébahis un vrai défilé de stars invitées à faire les pitres ! Ces apparitions sont plus ou moins inégales dans le récit, car elles ne peuvent fonctionner que si vous avez une forte culture générale. Par exemple, on ne peut comprendre le malicieux clin d'oeil autour de Richard Branson que s'il on sait que le patron du Virgin Group a tenté sans succès un tour du monde en ballon. Même chose concernant l'apparition réjouissante de Sammo Hung, qui a étudié avec Jackie Chan à l'Académie d'étude du théâtre chinois de Hong Kong, tout en l'ayant aussi dirigé dans plusieurs films ! Notons aussi que la plupart des décors en toc, et en studio la majorité du temps, trahissent un budget limité qui a sans nul doute été grignoté par le cachet de toutes les célébrités présentes à l'écran. Même chose au sujet des effets numériques 3D assez disgracieux. Par contre, on saluera le côté inventif des diverses machineries créées pour les besoins du film !
De part son affiche, tout comme la promotion qui a été faite autour, Le Tour du Monde en 80 Jours nous informe que Jackie Chan est la vedette principale du film. A dire vrai, en regardant le long métrage, on constatera que c'est quelque peu inexact. Jackie Chan est souvent mis en retrait, n'est pas non plus présenté à son avantage, relégué à l'écran au profit du duo « romantique » formé par Steve Coogan et Cécile de France. Dans les scènes où généralement il excelle dans les chorégraphies et les combats endiablées, Jackie Chan semble malheureusement avoir fortement été muselé par la production. Ses premières pitreries se révèlent plutôt fades, il ne faut véritablement attendre l'arrivée du groupe en Chine pour retrouver la maestria du comédien, accompagné à merveille par Sammo Hung, Daniel Wu, les dix tigres et les scorpions noirs. Au sortir de cette scène mémorable, Jackie Chan s'assagit à nouveau jusqu'à New York, avant de finalement devenir le grand oublié du final du film. On se consolera cependant en se disant, sans aller jusqu'à dire que c'était de la publicité mensongère, que le héros du récit est bien Phileas Fogg après tout. Il n'empêche, on est quand même un peu déçu entre le message publicitaire et la réalité à l'écran.
Au final, Le Tour du Monde en 80 Jours est une longue succession de bouffonneries réalisées principalement par les nombreux invités surprises, au détriment des personnages principaux. C'est sans doute cela qui sauve un peu le long métrage, tout comme la belle bande originale qui l'accompagne. Malheureusement, à l'exception de quelques bonnes idées, le film donne le sentiment d'être tout du long inégal. Ce qui lui empêche inévitablement d'être considéré comme mémorable. En choisissant d'accepter son côté bon enfant, on se laissera cependant facilement immerger par l'ambiance que dégage le film. Ceux qui ne connaissent pas le roman applaudiront d'ailleurs aussi le rebondissement final. Pour tous les autres par contre, ils peuvent sans la moindre honte passer leur chemin, particulièrement les fans tatillons de Jackie Chan qui se tourneront vers d'autres films du comédien, capable de proposer largement mieux quand on le laisse partir en roue libre !
Olivier J.H. Kosinski - 31 juillet 2015
Cette analyse a originellement été écrite et publiée sur le site confrère Disney Magie Club.
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Doublage (Québec - 2004)
Passe-Partout : François L'Écuyer
Phileas Fogg : Marc-André Bélanger
Monique La Roche : Geneviève Cocke
Capitaine du Steamer : Benoît Rousseau
Reine Victoria : Claudine Chatel
Inspector Fix : François Sasseville
Lord Kelvin : Hubert Gagnon
M. Sutton : Pierre Auger
Lord Rhodes : Claude Préfontaine
Colonel Kitchener : Sylvain Hétu
General Fang : Lisette Dufour
Lord Salisbury : Yves Massicotte
San Francisco Hobo : François Godin
Prince Hapi : Yves Corbeil
Wilbur Wright : Luis De Cespedes
Orville Wright : Antoine Durand
Bak Mei : Nicholas Savard L'Herbier
Doublage (France - 2004)
Passe-partout : Guy Chapelier
Phileas Fogg : Bernard Gabay
Monique La Roche : Cécile de France
Inspecteur Fix : Dominique Collignon-Maurin
Prince Hapi, le Sculptural : Daniel Beretta
Lord Kelvin : Bernard Dhéran
Lord Salisbury : Michel Barbey
Général Fang : Yumi Fujimori
Agent de voyage français : Patrick Paroux
Directeur de la galerie d'art : Michaël Youn
Bak Mei : Pierre Tessier
Clochard à San Francisco : Gilles Morvan
Orville Wright : Patrick Mancini
Wilbur Wright : Eric Legrand
Capitaine du bateau à vapeur : Patrick Messe
Reine Victoria : Denise Metmer