Analyse de l'oeuvre
Je dois reconnaître ne pas vraiment comprendre comment certains films rencontrent du succès en salle alors qu'ils ne contiennent même pas d'intrigue. Je suis encore plus effaré quand ce succès incompréhensible se transforme en franchise. La saga des Trolls de Dreamworks est incontestablement de ceux-là, avec un troisième opus tout droit sorti du chapeau qui reprend, sans variation aucune, exactement la même formule qu'auparavant. Je ne dois clairement pas être son public cible, car Les Trolls 3 est à mes yeux un jukebox animé sans queue ni tête, aussi mauvais dans sa construction narrative qu'avait pu l'être la série télévisée Glee en son temps. Contrairement à la plupart des films d'animation Disney dont la majorité des numéros musicaux sont pensés spécifiquement pour servir et renforcer le scénario, Les Trolls 3, tout comme Glee, puise dans un catalogue musical qu'il cherche ensuite à tordre pour broder un semblant d'intrigue autour.
Il en résulte une cacophonie sonore entourant un scénario indigeste dont toutes les révélations tombent comme un cheveux sur la soupe, tout en rendant la mythologie des trolls de plus en plus incohérente. De la petite communauté de personnages légendaires vivant recluse et dissimulée aux yeux de tous, au point d'avoir quasiment été effacé de la mémoire collective dans le premier opus, les trolls ont désormais basculé dans le statut de superstars internationales connues du plus grand nombre. Les changements apportés par Les Trolls 3 à la mythologie est impossible à considérer comme une continuité rétroactive, tant elle s'avère tout bonnement absurde. Cela devient alors très flagrant que le studio Dreamworks n'a jamais cherché une seule seconde à revoir ses deux précédents films, si ce n'est de surfer, comme toutes les productions américaines récentes, sur la vague musicale des boys bands asiatiques.
Les Trolls 3, ça raconte quoi ? En vérité pas grand chose. L'intrigue s'inspire assez vaguement de la véritable séparation du groupe *NSYNC, dont Justin Timberlake (qui joue le rôle de Branche depuis le premier opus) était un membre actif il y a déjà plus de vingt ans. Nourrissant les fantasmes des trentenaires et quadragénaires nostalgiques de les voir prochainement remonter sur scène, Les Trolls 3 propose simplement d'imaginer, de façon parodique, ce que cela pourrait donner. Quel prétexte est adopté par le film pour y arriver ? Un des membres de broZone est retenu prisonnier par de nouveaux personnages inspirés par Betty la Malice, une gamme de jouets apparue aussi vite qu'elle a disparu à la fin des années 1990. Toutefois, alors que le début du film démarre sur un sentiment d'urgence, celui-ci s'avère finalement très factice dans la mesure où les trolls multiplient surtout les arrêts minutes pour chantonner à tout va. Autre problème, Les Trolls 3 possèdent tellement de personnages masculins que cela provoque un gros déséquilibre. A court d'imagination, le studio Dreamworks flanque alors dans les pâtes de Poppy une soeur sortie de nulle part, car ils se sont révélés incapables de trouver une meilleure justification sur la présence obligatoire de la Reine des Trolls dans le film... Et comme tout cela ne suffit visiblement pas, Les Trolls 3 est dégoulinant de bêtise et de mièvrerie sur l'amour fraternel. On marche sur la tête là !
A qui s'adresse Les Trolls 3 en fin de compte ? Cela paraît évident, d'abord à ceux qui sont fans des deux premiers opus presque exclusivement. Une seconde catégorie de personnes peut cependant y trouver son compte, ceux qui sont capables de jeter leur cerveau par la fenêtre et qui sont nostalgiques de certains vieux tubes remontant à plus de deux décennies. Mais c'est à peu près tout, vu que Les Trolls 3 n'est qu'un vaste prétexte à écouter des chansons remaniées et remixées, ce que l'on peut tout aussi bien faire en ressortant ses vieux albums ou en s'abonnant à un service de streaming musical. Alors que j'aurai largement pu rentrer dans le moule du public cible, vu la période sur laquelle repose l'intrigue et les chansons, c'est un pari totalement perdu dans mon cas car, n'étant pas du tout nostalgique par nature, Les Trolls 3 me passe très loin au-dessus de la tête. Vivement le prochain opus tout autant décérébré que l'ont déjà été les trois propositions animées autour des trolls...
Olivier J.H. Kosinski - 30 décembre 2023
