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Studio Ghibli
La tortue rouge

La tortue rouge est le premier long métrage d'animation réalisé par Michael Dudok de Wit. Il sort en France le 29 juin 2016, peu après avoir fait sa première mondiale au Festival de Cannes, puis l'ouverture du Festival d'Annecy. Au Québec la sortie du long métrage en salle est plus tardive, puisqu'elle n'a lieu que le 27 janvier 2017 (une semaine après la sortie Nord-Américaine anglophone). A l'exception de quelques bruitages humains, le long métrage est dépourvu de toute ligne de dialogues.

Le long métrage n'est pas à proprement parler une réalisation du studio Ghibli. Il n'a, par exemple, pas du tout été réalisé au Japon dans les studios historiques, mais en France. La tortue rouge est une co-production internationale avec les studios Wild Bunch et Why Not Productions, ce qui explique pourquoi le logo Ghibli apparait sur fond rouge (et non avec son traditionel fond bleu).

L'intrigue

Un homme échoue sur une île déserte tropicale. Seul, il doit apprendre à survivre grâce à la nature, pas toujours accueillante, avec pour seuls compagnons les oiseaux et de petits crabes facétieux. Mais alors qu'il tente de s'enfuir sur son radeau d'infortune, il fait la rencontre d'une mystérieuse tortue rouge surgissant de l'eau...

Analyse de l'oeuvre

C'est quelque chose de très agréable de découvrir un long métrage sans rien connaître à l'avance de son contenu. J'avais en effet gardé en mémoire à la sortie en salle de La tortue rouge qu'il y avait un rapport privilégié avec le studio Ghibli. C'est à peu près tout. Je me le suis procuré ensuite à sa sortie en vidéo, sans m'attarder plus que ça sur son sort ni même avoir l'idée de le regarder immédiatement. J'avais en effet déjà planifié plusieurs analyses sur huit semaines consécutives, je ne pouvais donc que reléguer celle de ce film juste après, ce qui nous amenait à une publication au plus tôt autour de février. Ce n'est réellement qu'à la mi-janvier que j'ai commencé à prendre conscience de l'ampleur qu'avait ce long métrage à l'international. Il faisait l'objet de nomination dans de grandes cérémonies mondiales, y compris aux Oscars. Il devenait même assez difficile de ne pas en entendre parler un peu partout. C'est donc plein de curiosité que j'ai fini par lancer cet énigme que représentait La tortue rouge. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'expérience fut particulièrement intéressante à vivre.

De ce que j'ai appris après avoir découvert La tortue rouge, l'idée originale du film aurait été soufflé à l'époque par Hayao Miyazaki, qui finira cependant par s'en désintéresser afin de se consacrer à son long métrage Ponyo sur la falaise. C'est Isao Takahata et le producteur Toshio Suzuki qui vont alors prendre l'initiative de contacter le réalisateur néerlandais Michael Dudok de Wit, qui n'avait jusque là réalisé que des courts métrages. C'est particulièrement Father and Daughter, réalisé en 2000, qui attire l'attention des deux commanditaires japonais. Dans ce court métrage, une jeune fille voit son père partir en mer pour ne jamais en revenir. On la voit grandir, découvrir les joies de la vie, trouver l'amour et fonder une famille. Mais une partie d'elle-même la pousse sans cesse à retourner sur le lieu de la séparation avec son père, espérant toute sa vie durant le revoir à nouveau. Father and Daughter bénéficie d'une esthétique visuelle très particulière, volontairement granuleuse, que l'on retrouve quasiment répliquée à l'identique dans La tortue rouge.

La tortue rouge marque une nouvelle étape inédite pour le studio Ghibli, puisqu'il s'agit de leur première co-production internationale. Il s'agit cependant de leur seconde collaboration avec la France puisque, vous vous en rappelez forcément, l'artiste française Cécile Corbel avait livré une merveilleuse bande originale à Arrietty - Le petit monde des chapardeurs. Toujours est-il que pour cette co-production, Isao Takahata et Toshio Suzuki laissent carte blanche à Michael Dudok de Wit. Leur seule condition étant que La tortue rouge soit entièrement animée en France, sans nul doute grâce aux très bonnes relations qui existent entre les deux pays, au moins au niveau du savoir-faire en matière d'animation. C'est en 2009 que La tortue rouge commence à faire un peu parler de lui. Il faut finalement attendre six années pour que le projet se concrétise réellement, d'abord au Festival de Cannes de 2015 puis au Festival d'Annecy la même année où il fait forte impression (notamment pour le confrère FocusonAnimation p.136 de son webzine) alors qu'il n'est encore qu'un brouillon conceptuel. Car l'écriture et la réalisation du storyboard prennent un temps considérable. Michael Dudok de Wit doit en effet être épaulé par un co-scénariste, Pascale Ferran, mais il lui est également nécessaire de passer plusieurs mois au Japon afin de finaliser le storyboard sous l'oeil avisé d'Isao Takahata. Ce n'est qu'une fois ces deux étapes franchies, et avec l'accord du studio Ghibli, que Michael Dudok de Wit pu s'atteler à la réalisation de La tortue rouge en France.

La tortue rouge a cela de particulier qu'il s'agit d'un long métrage animé dépourvu de la moindre ligne de dialogues. C'est ce qui fait sa force, tout en obligeant le réalisateur à porter la narration sur le non-dit, sur l'aspect sonore et, surtout, sur l'aspect visuel. La tortue rouge est ainsi un film qui fait passer ses émotions aux spectateurs par une intéressante dominante de couleurs. On pourrait croire que le long métrage est uniforme du début à la fin, mais en réalité, chaque scène de vie de ce pauvre naufragé sur une île déserte est montrée avec un spectre visuel très particulier. Il y a tout d'abord le bleu, couleur de l'océan mais aussi du mystère, du doux rêve et de l'espoir. Il y a ensuite l'ocre, symbole de la résignation, de la colère mais aussi, plus curieusement, de la sérénité et de l'apaisement. Il y a le vert, couleur de l'étrange et de l'inconnu. Une grande part de mystère s'installe chaque fois que cette couleur apparaît dans le film. Et enfin, il y a souvent une dominance de gris, clairement aux plus intenses moments d'angoisse, de tristesse et de solitude dans le coeur du naufragé. Il faut également compter sur ce terrible moment où l'image devient terne et que l'on comprend, bien avant le personnage, le danger mortel qui le menace.

Ces couleurs visuelles sont couplée harmonieusement avec la bande originale du film. Une tâche ardue pour le compositeur Laurent Perez del Marqui qui réussit pourtant à livrer des musiques d'ambiance tout autant que narrative. Je ne sais pas ce qu'il en est (ou sera) votre impression sur cette bande originale mais, dans mon cas, au début de La tortue rouge je ne me suis pas immédiatement aperçu de sa présence. J'ai été rapidement happé par l'histoire au point de ne pas percevoir celle-ci. Et pourtant, elle avait toujours été là, imprégnant chaque scène majeure du récit, lui apportant une consistance tangible, voire même réaliste. L'autre aspect marquant de la bande originale est le fait qu'elle est pratiquement la seule à apporter, parfois seulement, des voix humaines au film. Mais là aussi, il s'agit de voix inintelligibles, lointaines, diffuses. Elles créent d'ailleurs un étonnant contraste dans la mesure où le naufragé est un homme, alors que ces voix fantomatiques, qui semblent émerger de son esprit, sont exclusivement féminines. Dernière chose à relever de cette bande originale, elle conserve tout son attrait, même débarrassé du visuel. Curieusement, alors que l'on semble ressentir le contraire devant La tortue rouge, cette bande originale n'est pratiquement jamais mélancolique. Bien au contraire, elle dégage un sensation d'espoir du début à la fin. Remarquable !

Pour conclure, vous aurez remarqué que j'ai volontairement écarté toute analyse du récit en lui-même, dont je n'ai ici évoqué absolument aucun des tenants. Pourquoi ? Parce qu'il est absolument impossible d'interpréter l'histoire du film pour tenter de la réduire à un simple raisonnement mathématique compréhensible par tout un chacun. La tortue rouge se vit, se ressent, exclusivement de manière égoïste. Mon ressenti, tout comme le vôtre, est obligatoirement unique et propre à chacun de nous. Je vous recommanderai donc de découvrir La tortue rouge de la manière qui vous convienne, seul ou entouré, et de laisser libre court à votre esprit qui interprétera le récit à sa manière.

Olivier J.H. Kosinski - 03 février 2017

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