Baby Boss sort en salle le 29 mars 2017 en France, puis le 31 mars 2017 au Québec sous le titre Le bébé boss. Le long métrage s'inspire de deux livres illustrés pour enfants écrits par Marla Frazee en 2010 et 2016.
Fils unique choyé par ses parents, Tim Pendleton voit son existence heureuse menacée par l'arrivée d'un petit frère. Or, à sa grande surprise, ce bébé est vêtu d'un complet veston et muni d'un attaché-case. Plus étonnant encore, quand les adultes ont le dos tourné, le nouveau venu se met à parler avec la voix d'un quinquagénaire cynique et à se comporter comme tel. Cherchant d'abord à se débarrasser de ce rival retors, Tim fait ensuite équipe avec lui, en apprenant le but réel de sa présence : neutraliser le machiavélique employeur de ses parents...
Depuis quelques années maintenant, Dreamworks Animation n'est plus vraiment ce qu'il était avant. Aussi bizarre que cela puisse paraître, dès le moment où le studio a commencé à insuffler de l'émotion dans ses films, celui-ci a doucement périclité. Depuis lors, lorsqu'un de ses nouveaux longs métrages sort en salle, le studio ne peut tabler que sur le prestige des stars invitées au doublage de leurs personnages pour ne serait-ce que créer un évènement dans la presse grand public. Il faut reconnaître aussi que le studio fait des choix plutôt hasardeux ces dernières années. Par exemple, rien qu'avec son titre, Baby Boss, qui nous intéresse aujourd'hui, ne donne pratiquement aucune envie d'être vu comme son prédécesseur Les trolls. Quand on franchit sa réticence naturelle pour ce titre incongru, l'expérience cinématographique s'avère compliquée. La première partie du long métrage est franchement très pénible à suivre, il faut réellement s'accrocher à son siège pour parvenir à y survivre tant certaines scènes virent presque à l'indigeste. Et puis tout à coup, Baby Boss franchit un cap, change complètement sa stratégie scénique et opère un surprenant revirement amenant à un final débordant d'émotions qui sonnent toutes justes. De fait, Baby Boss a été une expérience étonnante qui m'a rappelé, dans les grandes lignes, un certain Vice-versa qui compte aussi une mise en bouche chaotique mais un final émouvant.
Avant de poursuivre, précisons que Baby Boss est adapté du tout petit livre illustré The Boss Baby (littéralement, "Le bébé chef") élaboré par Marla Frazee en 2010. A part l'idée générale de mettre en scène un bébé, le long métrage et le livre illustré n'ont pratiquement aucun point d'accrochage entre eux. Dans la grande tradition des ouvrages destinés aux bambins, The Boss Baby ne compte qu'une quarantaine de pages entièrement illustrées et quelques petits textes explicatifs que les parents devront obligatoirement enrichir pour se faire apprécier de leur enfant. Contrairement au long métrage, qui élabore une histoire plus complexe, limite fantastique avec l'existence de Baby Corp, The Boss Baby est une simple allégorie permettant de faire comprendre au jeune lecteur que lorsqu'un bébé arrive à la maison, la vie de ses parents s'en trouve bouleversée à jamais. Bébé devient le centre d'attention, le centre du monde, bref, il pleure, gein et réclame de l'attention constante à son entourage. Métaphoriquement, bébé devient donc bel et bien le patron dans la maison ! Baby Boss reprend assez timidement cet élément, ainsi que quelques moments clés du livre illustré, comme sa livraison en taxi, qu'il naît avec un costume et qu'il apprécie faire des réunions impromptus. Pour le reste, The Boss Baby n'est jamais ni sournois, ni manipulateur, contrairement au film.
La source du scénario de Baby Boss se trouve en réalité dans le second livre illustré de Marla Frazee The Bossier Baby (littéralement, "Le bébé bosseur") paru en 2016, écrit en toute probabilité par pure opportunité en concomitance avec la réalisation du long métrage de Dreamworks Animation produit la même année. Dans ce second épisode, qui se déroule plus ou moins une année après le premier, le bébé voit débarquer dans sa vie une petite soeur. Tout ce qu'il tenait pour acquit se trouve soudain complètement bouleversé. Il se trouve évincé de sa place de privilégié au détriment de sa nouvelle soeur encombrante. Bien évidemment, le dénouement laisse entendre que les deux enfants parviennent finalement à trouver un compromis équitable. Baby Boss va volontairement piocher ses principales idées dans ce second livre, tout en l'insérant dans la continuité des faits relatés dans le premier livre. A défaut d'une relation frère-soeur, Baby Boss impose un jeune préadolescent de 7 ans : Tim Templeton. Tim est un enfant comblé qui vit extrêmement mal l'arrivé de ce nouveau frère particulièrement étrange. Le jeune garçon appréciant les sombres histoires de complots, il se doute immédiatement que ce bébé est anormal. Encore faut-il qu'il parvienne à le prouver. Ceci étant le pitch de départ de Baby Boss, que mettent particulièrement en avant les différentes bandes annonces, mais dont le film s'émancipe par la suite.
Problème, si l'accroche est plutôt bonne, la première partie de Baby Boss accumule les gags lourdingues dans un festival hystérique à la limite du névrotique. L'imagination débordante de Tim est une occasion rêvée pour les animateurs de créer des séquences hallucinogènes passablement compliquées, regorgeant de centaines de références cinématographiques de tout poil. Mais à trop vouloir en faire, cela devient irrémédiablement indigeste pour toute personne ayant une solide culture cinématographique. Baby Boss pioche tellement de références à des centaines de films, parfois le temps de quelques secondes, qu'on perd immédiatement le fil du scénario du film qui se révèle excessivement lourdingue. Si l'on tente de se dégager complètement de ces références innombrables, la totalité de ces scènes foldingues perdent irrémédiablement toute logique et toute saveur. D'un extrême opposé à l'autre, quel que soit le point de vue que l'on adopte, cette première partie de Baby Boss s'avère totalement imbuvable. Le peu de séquences drôles, comme la prise de position du bébé dans la hiérarchie familiale, se trouvent complètement noyés par tout le reste. L'introduction du récit prend donc l'eau de toute part, terrifiant d'autant plus le spectateur impuissant face à tant de déficience.
Contre toute attente cependant, pour peu que vous n'ayez pas déjà fui à toutes jambes la salle de projection, Baby Boss change complètement son fusils d'épaule en cour de route. On laisse de côté la frénésie pure pour du simple burlesque, auquel on ajoute un léger sentiment de tension : les parents sont soudain, plus ou moins, pris en otage. Dès lors, Baby Boss se rachète une conduite, raccroche des wagons plus cohérents, et nous entraîne vers un scénario, certes plus conventionnel, mais d'une redoutable efficacité. Baby Boss oublie tout simplement la confrontation entre le bébé et le préadolescent. L'histoire se recentre simplement sur une simple fratrie qui commence à naître entre les deux garçons. Une fratrie qui naît sous les yeux des spectateurs qui voient les deux enfants se lier émotionnellement par un évènement indépendant de leur volonté. Du coup, cela fonctionne bien même si l'on ne peut jamais oublier que le pitch de Baby Boss est plus ou moins un miroir inversé de celui de Comme chien et chats où c'était les chats qui étaient en passe de conquérir le monde, mais avec des personnages issus de la série Les Razmoquet.
Au sujet de l'aspect visuel, Baby Boss ne souffre pas de gros défauts. Il faut reconnaître que l'aspect psychédélique du long métrage oblige les artistes de Dreamworks Animation à sortir totalement des sentiers battus. C'est particulièrement vrai du côté des scènes imaginaires de Tim qui, au contraire de leur intérêt nul dans le scénario, ne souffrent d'aucune note de mauvais goût. Les délires du jeune homme sont ainsi l'occasion d'un florilège de couleurs acidulées qui détonnent fortement avec le reste de l'intrigue du film. Malgré tout, c'est un fait, le design des personnages a dans l'ensemble de quoi rebuter. Un choix, sans nul doute assumé par Dreamworks Animation, qui souhaite faire correspondre les personnages avec l'absurdité générale de l'intrigue. Le contraste est important entre les personnages et les décors dans lesquels ils se trouvent, tant ces derniers sont fortement en retrait, un peu comme s'ils avaient été réalisés à l'économie. Il y a sans doute du vrai dans cette supposition, même si cela permet de mettre fortement en avant le duo formé par les deux jeunes enfants.
Particularité plutôt rare dans le cinéma d'animation, la bande originale de Baby Boss a été composé à six mains : Hans Zimmer, qui a souvent travaillé avec Dreamworks, est épaulé par Tom McGrath et Alan Silvestri. Il en résulte une bande originale plutôt bigarrée, disons même hétéroclyte à l'image du scénario du film, qui fait le grand écart entre divers genres cinématographique. L'influence de Hans Zimmer est particulièrement reconnaissable, tant celui-ci a beaucoup de mal à s'éloigner des thématiques déjà abordées dans la saga Kung Fu Panda dont on retrouve de nombreuses compositions similaires pour Baby Boss. L'apport de Tom McGrath et Alan Silvestri n'est donc pas du tout négligeable, car ils apportent un bouffée d'air au long métrage, délaissant les aspects symphoniques au profit de compositions allant de la musique d'ascenseur, au cinéma d'espionnage, au cinéma d'action et, plus réjouissant encore, des sonorités proche du cinéma d'horreur. Quand le bébé arrive pour la première fois à la maison, une musique angoissante, que n'aurait pas reniée l'attraction Phantom Manor, s'invite ainsi en arrière-plan pour les oreilles les plus attentives. Baby Boss enchaîne ainsi de nombreux morceaux disparates qui ont une identité propre et collent avec l'ambiance du film, même quand ce dernier bascule de la frénésie à l'émotion.
Au final, Baby Boss ne brille pas vraiment par sa mise en bouche, particulièrement ignoble et sur laquelle se concentre quasi-intégralement les bandes annonces, passant sous silence le reste de l'intrigue. Il faut véritablement passer la trentième minute, et sa séquence névrotique de la "totoche façon Maggie Simpson sous LSD" pour que Baby Boss s'affranchisse de son côté déluré particulièrement raté. Au delà de cette pierre d'achoppement, le long métrage amorce doucement une longue transition qui finit par conduire le spectateur vers un final particulièrement habile et riche en émotions, aussi conformiste qu'il puisse être. Est-ce que cela fait de Baby Boss un classique du cinéma d'animation pour autant ? Pas vraiment, car Dreamworks Animation ne contente de faire du neuf avec du vieux, en limitant toute prise de risque avec son long métrage. Je terminerai donc en disant que Baby Boss est une expérience cinématographique sous psychotrope, tant son ouverture et sa conclusion frollent le contresens, même si elles paraissent logiques a posteriori.
Olivier J.H. Kosinski - 18 juillet 2017
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Doublage (Québec - 2017)
Le bébé boss : Louis-Philippe Dandenault
Tim Templeton : Adam Moussamih
Ted Templeton : Tristan Harvey
Janice Templeton : Nathalie Coupal
Francis E. Francis : Benoît Brière
Eugene : Patrick Chouinard
Les triplés : Paul Malo
Narrateur : Benoit Éthier
Doublage (France - 2017)
Baby Boss : Stefan Godin
Tim Templeton : Timothé Vom Dorp
Narrateur : Damien Witecka
Ted Templeton : Laurent Maurel
Janice Templeton : Sybille Tureau
Eugène : Franck Gourlat
Les triplés : Simon Faliu
Wizzie : Jean-Pierre Leroux
Staci : Roxane Bellein
Francis E. Francis : Vincent Ropion
Jimbo : Christophe Lemoine
Big Baby Boss : Irina Ninova
Teddy : Dan Herzberg
Commandant de bord : Vincent Cerutti
Hôtesse de l'air : Carole Bianic
Sources :
Doublage au Québec
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