Avant de commencer cet article, je me permets de vous dire que celui-ci s'inspire en grande partie du remarquable travail de Patrick Gaumer, un célèbre journaliste spécialisée dans le 9e art. Il a réalisé de nombreux ouvrages, et traités énormément de sujets sur la bande dessinée en France. Je vous recommande par ailleurs de lire le "Guide Totem : La BD" paru en 2002, et dont je fais ici majoritairement référence. Son article sur le Journal de Mickey est si riche et complet, qu'il m'a été difficile d'y ajouter ou enlever quoi que ce soit. Je m'efforce donc d'énumérer ici les grandes lignes de l'évolution du journal, tout en y ajoutant une touche personnelle, et vous invite à découvrir en librairie l'excellent ouvrage de Patrick Gaumer pour en approfondir le sujet.
Mickey Mouse est officiellement né en 1928 aux Etats-Unis. Très vite, il traverse l'Atlantique pour s'installer en France dans le journal Le Petit Parisien en 1930 sous l'initiative de Paul Winkler, dans lequel Mickey apparait sous forme de bandes dessinées courtes. En 1931, devant le succès du souriceau, les bandes dessinées sont réédités sous forme d'albums par Hachette (qui est de nos jours toujours éditeur d'ouvrages Disney). Malgré quelques retouches, c'est un grand succès en librairie. C'est ainsi que Paul Winkler se décide de concevoir un journal exclusivement consacré aux productions de Walt Disney. Il lui faudra toutefois trois années pour monter à bien son projet, et réussir à convaincre un éditeur. Peine perdue pendant quelques années, jusqu'à ce que Hachette se décide à financer l'opération. Reste à convaincre Walt Disney lui même, ce qui se fera à l'occasion d'un déplacement de celui-ci à Londres où Paul Winkler reçoit l'approbation d'utiliser ses personnages.
En 1934, Paul Winkler, entouré d'une équipe, conçoit deux journaux destinés à tester le public et le journal, qui paraissent le 1er juin (n°01), puis le 14 octobre 1934 (n°02). L'aventure du journal commence alors le 18 octobre 1934 (daté pourtant au dimanche 21 octobre !). Portant le numéro 1, il lance officiellement le journal en France. Ce premier numéro est d'ailleurs actuellement bien connu des amoureux du Journal de Mickey puisqu'il fut plus d'une fois réédité sous forme de fac-similés (on en recense actuellement trois). La campagne de promotion est déjà digne du groupe Disney, assurant rapidement le succès du journal. Se positionnant d'emblée comme embassadeur de la presse enfantine, le succès est très vite au rendez-vous. C'est d'ailleurs un aspect que la revue a su conserver au fil des générations, et même sur le magazine actuel.
Pourtant, une période noire de notre histoire va assombrir considérablement la pérennité du Journal de Mickey. La seconde guerre mondiale met provisoirement un terme à la parution du journal en juin 1940 (au n°296). L'équipe doit alors quitter Paris pour rejoindre la zone libre à Marseille. En septembre de la même année, le Journal de Mickey reprend sa parution, mais de façon plus chaotique. D'ailleurs, le journal se retrouve groupé avec une autre revue. Malheureusement, le régime de Vichy est à deux doigts de condamner le journal. Ainsi, en 1942, sa forme est entièrement revue et toute allusion aux Etats-Unis est exclue, y compris Mickey lui-même qui ne peut plus s'afficher dans le journal portant son propre nom. Pourtant, la Journal de Mickey ne pourra se défaire de son image trop américanisée. Le journal publie son ultime numéro (le 477) le 2 juillet 1944.
Paul Winkler doit alors s'expatrier aux Etats-Unis. Quatre ans plus tard, en 1948, Armand Bigle (représentant de la Walt Disney Compagnie en Europe) lui propose de relancer le Journal de Mickey en France, et réussit à le convaincre. Cependant Paul Winkler est prudent, et attend qu'une loi sur la presse jeunesse soit votée et affine considérablement la forme et le fond de la revue. En mai 1952, un nouveau journal test est publié (n°0), pour finalement paraître à nouveau dans son nouveau format dès le 1er juin 1952, huit ans après l'arrêt de sa première publication. Une nouvelle campagne publicitaire touche la France, et s'empare même de la radio ! Le changement est visible, le Journal de Mickey Nouvelle Série reprend sa numérotation à 1 (c'est celle qui figure sur les revues actuelles) et prend la forme d'un magazine, comme il l'est à peu près aujourd'hui (quoi que légèrement plus grand). Le Journal de Mickey ne perd cependant pas de vue son lectorat, et bien que rajeunissant beaucoup son concept, il touche parfaitement sa cible, à tel point qu'en 1954 il devient la meilleure vente hebdomadaire de presse jeunesse en France.
Le magazine abandonne les histoires "a suivre" pour laisser place à des récits complets de l'univers de Disney (tous les héros emblématiques du groupe s'y bousculent), tout en offrant des histoires originales, et une place importante aux artistes français et européens. Le plus célèbre d'entre eux restant évidemment l'emblématique "Mickey à travers les siècles" de Pierre Nicolas, de conception intégralement française, et dont aucune intégrale n'existe actuellement, puisqu'elle regroupe des centaines d'histoires (171 pour être exact). En France, on retiendra particulièrement, parmi les histoires n'ayant aucun rapport avec Disney, l'école Abracadabra ou la famille Déblock durant les années 90. Le Journal de Mickey offre, en plus des bandes dessinées, de nombreux dossiers et reportages, mettant également à l'honneur les plus grands films du groupe Disney. On retrouve également parfois des versions adaptées en bande dessinée ou même des suites, à l'image de l'espiègle Scamp, fils de la belle et du clochard, qui aura droit à ses histoires propres dans la revue.
Le public enfant est conquis et le Journal de Mickey reste une valeur sûre du groupe Hachette, aujourd'hui encore. Malgré de nombreux changements de formes durant les décennies qui nous séparent, le Journal de Mickey a su conserver son jeune lectorat, dont chaque génération se passe actuellement le relais. Grands parents, parents, enfants, petits enfants ont grandi avec lui, et grandiront encore dans le futur. Le magazine reste aujourd'hui encore emblématique de la marque, et indiscutablement liée au succès des longs métrages animés et de tous leurs personnages. Le Journal de Mickey a cependant depuis quelque temps déjà recentré ses intrigues autour de Mickey et ses amis, pour laisser le champ libre à plusieurs de ses "progénitures" comme Picsou Magazine, Mickey Parade, Super Picsou Géant, ou tout récemment le pendant féminin avec Minnie Mag. Son succès reste donc aujourd'hui intact. Si les plus grands le redécouvrent avec nostalgie (en le lisant en douce grâce à l'abonnement de leurs enfants), le magazine les déçoit parfois car ils ne se retrouvent plus touchés par l'emblématique revue. Mais c'est là certainement l'incroyable longévité du Journal de Mickey, car il n'a jamais abandonné son public premier, à savoir les enfants. Contrairement à Pilote par exemple, Le Journal de Mickey a toujours visé un jeune lectorat et n'a jamais souhaité "vieillir" en même temps que ses lecteurs. C'est peut-être aussi pour cette raison que le Journal de Mickey traverse si bien les générations de lecteurs.
Olivier J.H. Kosinski - 27 août 2008