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Disney Infinity ou la malédiction des jeux-vidéo Disney

Il a toujours eu trois choses que j'ai toujours voulu mettre à l'honneur sur lesgrandsclassiques.fr, la vidéothèque qui a aujourd'hui abouti en un vaste catalogue, les doublages québécois afin de les faire connaître dans un monde qui les méprise top souvent, et enfin, les jeux-vidéos. Pour ces derniers, dès 2002, je leur concédais une place de choix sur le site en leur consacrant plusieurs articles. Mais fort de l'énorme travail que demandait les analyses des films, le catalogue et les doublages, les jeux-vidéo Disney ont été négligés au fil des années, sans pour autant que je ne perde la vue sur eux. Aujourd'hui, plus de 10 ans plus tard, et fort d'une expérience dans les jeux-vidéo de près de 25 ans, j'ai décidé d'enfin leur consacrer un gros article. L'occasion était en effet trop belle grâce à l'existence de Les mondes de Ralph car ce film - qui tente de remettre les jeux vidéos à l'honneur - reprend en son sein cette fascinante malédiction qui frappe désormais systématiquement toute production vidéoludique créée par le studio aux grandes oreilles. La preuve en est de l'ambitieux Epic Mickey qui malgré ses qualités n'a pas fait l'unanimité chez les joueurs, tout comme sa suite qui fait même pire actuellement, à tel point que son studio de développement Junction Point est contraint de mettre la clef sous la porte.

Le balbuciement des origines

Pour comprendre cette situation inaliénable, il faut remonter aux origines. Il faut même remonter le temps jusqu'en 1982 pour être précis, Disney propose en effet pour la toute première fois un jeu-vidéo dérivé sur borne d'arcade en même temps que la sortie en salle de son dernier film : le célèbre Tron. Le but de ce jeu consistant à venir à bout de 4 mini-jeux dont l'un d'eux consiste à rejoindre le centre de la carte en traversant des zones infestés d'insectes à éliminer à coup de fusils, votre seul salut provenant d'un rayon de lumière ! Bref, Tron est un jeu qui reprend à peu de chose près l'ancêtre du monde Hero's Duty très critiqué pour son aspect violent par Ralph lui-même dans Les mondes de Ralph, ironique n'est-il pas ? Il n'empêche qu'à cette époque pas si lointaine, ce n'est pas Disney lui-même qui édita le jeu, mais un studio indépendant qui se chargea de le réaliser, l'honneur est sauf ! Disney renouvelle l'expérience en 1986 en couplant la sortie de Taram et le chaudron magique avec un jeu vidéo développé sur PC par Sierra Enterntainment. Véritable ancêtre du point-and-click et même du jeu de rôle, The Black Cauldron se révèle être une très libre inspiration du film dont il reprend la trame narrative sans pour autant en respecter totalement le déroulement. Aujourd'hui, il ressemble surtout à un monceau de pixels baveux dont le but consiste à lire un texte, avancer, cliquer, relire un texte et ainsi de suite. Vu la très faible popularité du film en son temps, et surtout le faible équipement des PC dans les familles, le jeu n'entrera pas dans les anales des jeux-vidéos Disney, même si The Black Cauldron ne manquait pas d'innovation à cette époque.

En 1988, c'est la révélation. Disney mobilise une véritable équipe d'expert en informatique sous le nom de Walt Disney Computer Software afin de chapeauter tous les projets confiés à divers studios indépendant. La compagnie se lance donc dans le secteur en ébauchant les prémices de sa règle de conduite actuelle. D'un côté, elle publie des jeux pseudo-éducatifs à l'image de Donald's Alphabet Chase où Donald se voit confier la lourde tâche d'apprendre l'alphabet aux petites têtes blondes, ou encore Mickey's Crossword Puzzle Maker dans lequel Mickey nous apprend les rudiments des mots croisés ; et de l'autre, elle poursuit sans relâche la création de jeux-vidéo inspirés par ses propres gros succès du moment, comme Who Framed Roger Rabbit ou The Rocketeer qui emboîtent la sortie en salle des deux films du même nom, ou encore DuckTales - The Quest for Gold qui surfe sur le succès rencontré par la série La bande à Picsou à la télévision. Disney commet parfois quelques impers, notamment avec l'épouvantable jeu Fantasia en 1990 que seul les plus masochistes arrivaient à terminer vu la rudesse et la difficulté excessive de ce titre. Pourtant, jeu après jeu, Disney rencontre de plus en plus de succès dans le domaine : Castle of illusion, Quackshot, World of illusion pour ne citer que ces trois titres emblématiques. Il faut dire aussi que les adaptations des longs métrages ne passent plus inaperçu avec un certes médiocre La petite sirène en 1992, mais aussi deux excellents titres basés sur La belle et la bête en 1991. Disney parvient donc jusqu'à arriver à une certaine maturité lors de la période faste de l'ère MegaDrive et Super Nintendo.

L'âge d'or

Mais c'est véritablement en 1993 que Disney connaît la véritable consécration aux yeux du public en s'associant avec un studio emblématique : Virgin Interactive et son inoubliable Aladdin sur Megadrive. Jamais jusqu'alors aucun jeu Disney n'avait connu une telle frénésie, une telle popularité, un tel enthousiasme ! Plus flagrant encore, alors qu'à cette époque Nintendo et Sega se battaient bec et ongle pour faire pencher un joueur en sa faveur, Sega tenait enfin un titre fort qui faisait clairement envie aux pro-nintendo. La version d'Aladdin sur Super Nintendo était en effet largement inférieure, car elle était différente, c'était Capcom qui l'avait réalisé. Dès lors, Disney entre dans son premier et actuellement seul véritable âge d'or en enchaînant sans relâche des titres de plus en plus ambitieux. Aladdin est immédiatement suivi du fantastique Mickey Mania, à ce jour encore le meilleur jeu-vidéo consacré à Mickey. Le succès est colossal cette fois aussi, car Disney ne refait pas la même erreur en proposant le même titre sur toutes les consoles du moment. Auréolé d'un tel succès, Disney Interactive naît en 1994, et avec lui, la compagnie offre aux joueurs une nouvelle pépite, le fascinant The Lion King - très librement adapté du film - mais à la jouabilité fabuleuse. La compagnie ne néglige pas non plus les autres consoles du marché, ni même le PC, mais c'est véritablement sur ces deux consoles de salon (Super Nintendo et MegaDrive) que les jeux Disney sont plébiscités par la presse spécialisée et les joueurs.

Mois après mois, c'est la déferlante de titres de qualité qui s'enchaînent. Disney remet le couvert avec un superbe The Jungle Book en 1994, tout de suite éclipsé par un Pinocchio inventif en 1995, à son tour évincé par Maui Mallard la même année qualifié avec raison par les amoureux de ce jeu comme le "Mickey Mania" de Donald. Malheureusement, l'année 1996 va être un tournant délicat à franchir pour Disney, et c'est avec l'ère Playstation que la compagnie va connaître ses premiers ratés. Par exemple, la compagnie rate l'occasion de sortir dignement le jeu Pocahontas, réservé à une MegaDrive en fin de vie. Peu de personnes vont se souvenir de ce titre mettant en avant un intéressant mode coopération. Elle se plante ensuite totalement en proposant un affreux Hunchback of Notre Dame - Upsy Daisy sur PC/Mac (également adapté sur Game Boy Color sous le titre de Topsy Turvy Games) beaucoup plus proche du jeu éducatif insipide avec ses mini-jeux sans intérêt et ses coloriages à imprimer... Elle fait du coup l'impasse totale de sortir un vrai jeu-vidéo adapté de Le bossu de Notre-Dame qui sera donc le seul film d'animation depuis La belle et la bête à ne pas avoir eu de jeu dédié sur console de salon. On ne s'en doutait pas à l'époque, mais c'est là pour moi le premier signe de la malédiction Disney, qui n'a plus jamais cessé de frapper depuis lors : Disney s'est mis à considérer le jeu-vidéo comme une activité exclusive au très jeune public, délaissant sans vergogne son secteur le plus porteur jusqu'alors : celui des adolescents.

Période transitoire

L'époque Playstation va devenir la période infantilisante de Disney. Les bons jeux vont devenir d'autant plus rares que les jeux éducatifs vont prospérer. Disney Interactive connaît quand même un soubresaut avec l'impressionnant Hercule en 1997 qui mêle avec ingéniosité jeu 2D, jeu 3D et matériel promotionnel pour favoriser la sortie de son film quelques semaines plus tard (des extraits inédits du film jalonnent en effet chaque fin de niveau, alors qu'il n'était pas encore en salle en France). Mais la magie du jeu-vidéo Disney s'éteint de plus en plus vite ensuite. En 1999, A bug's Life est passable, Tarzan médiocre, Dinosaure mauvais. On retiendra surtout Toy story 2 - Buzz l'éclair à la rescousse ! en 2000 pour le haut du panier, mais ce n'est plus vraiment ce que c'était avant. Atlantide l'empire perdu ne fera guère mieux l'année suivante, ni le pitoyable La petite sirène 2, encore moins le pauvre Kuzco l'empereur mégalo, Peter Pan - Aventures au pays imaginaire, Lilo & Stitch ou bien La planète au trésor qui sort dans l'indifférence générale et sera le dernier jeu inspiré d'un long métrage Disney de la Playstation en fin de vie face à sa grande soeur la Playstation 2.

En 2002 pourtant, tout bascule. Disney est remis sur le devant des projecteurs en réalisant une association aussi historique qu'avec Virgin Interactive en son temps : son partenariat avec Squaresoft (aujourd'hui Square-Enix) qui se chargera de réaliser pour lui l'incontournable Kingdom Hearts sur Playstation 2. Malgré ses innombrables défauts (dont la conversion désastreuse en 50 Hz en France), presse spécialisée, fans et joueurs du monde entier se réconcilie avec les jeux-vidéo Disney ! La popularité du titre est plus phénoménale encore qu'Aladdin en 1993. Joueurs de tous les âges se fascinent pour le titre, un jeu enfin mature, intelligent, accessible et ingénieux. Disney se félicite du succès de ce titre devenu désormais une franchise à part entière, et sans nul doute la seule qui reste encore populaire de nos jours. Mais si l'on écarte Kingdom Hearts, qui reste avant toute chose une création 100% japonaise avec consession de droits pour l'utilisation des univers et personnages, on remarque surtout que pour le début du 21e siècle, Disney confirme son choix délibéré de ne plus s'adresser qu'au très jeune public peu exigent. Les jeux seront dès lors juste convenables pour les standards de l'époque, mais leur intérêt ludique franchement limité. Pire, la société ne cherche même plus à innover, se contentant de faire du copier/coller inférieur au modèle d'origine (95% seront même uniquement des jeux de plates-formes d'ailleurs). Disney en fait même une spécialité avec le temps. Donald Couak Attak sera un pâle copie au rabais de Crash Bandicoot en 2002, Piglet's Big Game un sous produit voulant faire bonne figure face à Super Mario 64 en 2003, Spectrobes sera un camouflet à Pokémon en 2007, tout comme Meteos Disney Magic la même année qui sera simplement Meteos sous un nouvel habillage, même destin pour un certain Singstars - Chansons Magiques en 2008... En fait, c'est surtout sur PC/Mac, Game Boy Advance et Nintendo DS, ainsi que la Wii dans une moindre mesure avec Toy Stoy Mania ! en 2009 par exemple, que Disney s'en sort relativement le mieux de nos jours. Les titres éducatifs ou très faciles d'accès se prêtent en effet dignement au jeune public, la seule et unique cible de Disney Interactive Studios.

Désillusion actuelle

Depuis quelques années pourtant, Disney veut faire preuve d'audace, comme s'ils réalisaient enfin à quel point ils avaient ternis leur réputation dans le domaine en seulement 15 ans. La compagnie rachète pour ça plusieurs gros studios de développement de jeux-vidéo et se met à proposer des titres plutôt bien accueilli comme Split/Second Velocity par exemple. Mais il s'agit ici de titres pas vraiment en rapport avec leur catalogue de films, et qui n'entrent pas dans la conscience des joueurs comme étant une production Disney. Et dans le peu d'innovation que l'on peut apercevoir de temps à autre, à l'image de Epic Mickey, sa suite Le retour des héros ou encore Disney Universe, on se rend compte que la pression des développeurs est telle qu'elle condamne d'avance toute ambition qui voudrait rendre un jeu Disney inoubliable, mais surtout universel. Comme si finalement, Disney était si farouchement opposé à la prise de risque, que la compagnie évite d'en prendre tout en limitant les frais au passage puisque les jeunes joueurs sont nettement moins exigeants. Disney Universe en est le digne représentant tant la démesure entre ce qu'annonçait le titre lors de sa révélation (plutôt ce qu'aurait dû être le titre d'après ce qu'en pensait la presse spécialisée à ce moment là) et la réalité désillusoire une fois la version finale entre les mains a mis aux nues un gouffre immense laissant un goût amer de profonde déception.

En conclusion, la politique éditoriale de la compagnie qui ne veut pas trahir son catalogue, sa volonté de se borner à sortir des titres spécifiquement dédiés aux bambins (plus de 7 ans, passez votre chemin !), sa décision de réaliser systématiquement des titres médiocres plus que dispensables, tout ça réunit, c'est la malédiction des jeux-vidéo Disney ! Les mondes de Ralph en est même la preuve la plus fragrance tant le film apporte une preuve flagrante de cette conviction étrange de l'univers du jeu-vidéo perçue par la compagnie Disney. Disney Infinity prend garde à toi, la malédiction te frappera toi-aussi à coup sûr, car tu sais, tes concepteurs ont démontré plus d'une fois que même en copiant les excellentes idées, le résultat final a toujours été un désastre. Alors même si Skylanders et LittleBigPlanet sont des très bons concepts parfaitement dignes de la politique Disney (que tu n'a pas manqué de piquer sans le dire une fois encore), attention donc à ne pas rater la marche à ton tour ! Mais peut-être seras-tu au contraire le premier à briser cette malédiction en réconciliant tout le monde ? Rendez-vous fin 2013 pour le savoir... En attendant, autant aller voir ce qu'y est proposé sur Google Play et AppStore, il y a moins de risque.

Olivier J.H. Kosinski - 31 janvier 2013