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Les faits réels de la jeunesse de Picsou

Épisode 11 : Le bâtisseur d'empire du Calisota

Picsou est enfin arrivé à Donaldville. Mais il n'est pas encore au bout des surprises que lui réserve sa vie. Mauvaises actions, isolement, tragédies vont s'opposer à lui.

L'épisode 11 de La jeunesse de Picsou est sans aucun doute celui qui condense le plus de choses : pas moins de 27 années de la vie de notre héros alors qu'il parcours absolument tous les recoins du Globe. Il n'y a aucun doute, Picsou a conquit le monde ! De fait, cet épisode regorge de réalités historiques parfois inimaginables.

Dès la troisième case, une simple et petite remarque à la calculatrice est évoquée par Hortence. Quoi de plus banal en effet que cet outil dérisoire devenue indispensable de nos jours. Mais en 1903, elle ne ressemblait absolument à rien de comparable. Si l'on pourrait supposer qu'Hortence fait allusion au célèbre système de boulier, il n'en est en fait pas du tout le cas. Bien au contraire, je parierai même que Don Rosa fait une allusion ouverte à la première calculatrice moderne ! C'est en effet en 1887 qu'un certain Hermann Hollerith, mathématicien américain d'origine allemande, remporta le concours national d'invention. Il réalisa en effet une machine capable d'additionner, multiplier, soustraire et diviser de façon autonome. Et tout ça bien longtemps avant l'apparition de l'électronique ! Ce système mécanique eut un tel succès qu'une entreprise fut battit autour : la Tabulating Machine Company. En 1924, elle arborera fièrement un nouveau nom immensément connu de nos jours : IBM !

Deux cases plus loin, quasiment masquée, on découvre les mots « Artillerie Royale » sur un baril de poudre. Entre l'année 1903, et le fait que ce canon vienne d'Afrique, il ne fait aucun doute que Don Rosa fait référence à l'Artillerie Royale Canadienne. C'est en effet entre 1899 et 1902 que l'Artillerie Royale fut dépêchée en Afrique où la guerre éclata contre les Boers. L'histoire nous raconte en effet qu'elle repoussa une attaque lancée par quelques 200 Boers grâce à l'habileté de leur artilleur aux deux canons. L'affrontement qui dura deux jours dépensa pas moins de 240 tirs de munitions. L'un de ces deux canons en question est désormais exposé au Musée Canadien de la Guerre. Désormais, nous savons ce qu'est devenu le second.

William Randolph Hearts était un magnat de la presse. En 1895 il rachète ainsi le New York Morning Journal réputé très peu rentable, et en fait rapidement une valeur sûre en décrochant de nombreux scoop. Jugeant très habilement le potentiel des bandes dessinées naissantes, il prend la décision d'incorporer à l'édition du dimanche ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Comics Strip : ces petites BD de deux ou trois cases maximums qui se poursuivent d'un journal à l'autre. Mickey Mouse aura d'ailleurs l'occasion d'y figurer. Pourquoi Don Rosa choisit-il cette personnalité pour en faire la 72e fortune de 1903 ? Aucune idée. La seul explication possible pouvant être l'implication supposée de William Randolph Hearts en faveur de la guerre hispano-américaine de 1898.

Je dois avouer que l'imposant hôtel que nous apercevons sur cette vignette me pousse à me questionner. Picsou nous dit qu'il a séjourné un temps à cet endroit, probablement en 1902. S'agit-il de la mythique ville de Las Vegas ? C'est en effet en 1902 que des mormons s'installent dans cette région aride et fonde une ville qui deviendra mythique. Mais ce n'est qu'en 1940 que le premier hôtel casino y fut bâtit. Il est plus plausible qu'il s'agisse de le ville de Rhyolite, ville fondée en 1904 lors de la ruée vers l'or.

Il est toutefois plus probable que Picsou soit en fait à Calico, situé à mi-chemin entre Las Vegas et Los Angeles. L'indice le plus marquant, provenant d'ailleurs d'une BD de Carl Barks, est la célèbre maison construite en bouteille qui existe réellement. Calico est aujourd'hui l'une des dernières villes fantômes encore debout qui témoigne des anciennes ruées vers l'or.

Il n'existe, à ma connaissance, aucune rivière ou fleuve africain se nommant Mumbo Jumbo. Il existe donc deux possibilité pour l'utilisation de ce nom. Il existait autrefois une idole africaine qui portait ce nom, son rôle consistait à assouvir les femmes afin qu'elles restent sous la domination des hommes. Je doute sincèrement que Don Rosa est choisi cette référence, il faut donc mieux chercher du côté de la seconde possibilité beaucoup plus évidente : Mumbo Jumbo est une expression anglaise que l'on pourrait traduire par "baragouinage" dans notre langue (Quand deux personnes de langues étrangères tentent de parler ensemble mais ne se comprennent absolument pas).

Je ne ferai que relever la petite allusion aux mines du Roi Salomon dont il s'agit ici d'un clin d'oeil à une oeuvre de Carl Barks. Autrefois l'un des mythes les plus populaires du monde racontant que ces mines regorgeaient d'or et de pierres précieuses, une théorie toute récente tend à démontrer que les mines du Roi Salomon ont bel et bien existées, mais qu'elles contenaient en fait le plus gros gisement de cuivre d'Afrique.

L'indigène évoque une région se nomment Kaoutchouk. Si le rapprochement est très évident, on peut tout de même distinguer pas moins de trois allusions réelles : en premier le matériau élastique le caoutchouc, en second l'arbre du même nom aussi connu sous l'appellation Ficus Elastica, et en troisième la célèbre usine constructiviste russe nommée Kaoutchouk.

La mythe satanique et malfaisant du Vaudou à la dent dure, et pour les besoins de son récit, Don Rosa utilise aussi la caricature mais dans un but plus humoristique. Le vaudou n'a pourtant aucun but malveillant, il s'agit au contraire d'une religion originaire du sud ouest de l'Afrique.

Le chef du village vaudou porte un nom franchement cocasse : Houla Lala ! Fidèle à ses principes, il y a de fortes chances que Don Rosa n'ai pas hésité à détourner la Hou qui signifie la Sagesse en Afrique, mais aussi la Création dans l'Égypte Ancienne. Deux qualités que possèdent effectivement ce chef de village voulant donner une bonne leçon à un Picsou devenu une personne effroyable à ce moment de sa vie.

Houla Lala prononce une formule magique incompréhensible pour nous pauvres lecteurs. Ne connaissant absolument pas les langues africaines, je ne me risquerais pas à essayer de voir s'il y a une formulation réelle caché derrière. Par contre, mon esprit torturé y voit encore des choses qui n'en sont peut-être pas du tout : GAWA est l'acronyme de Green Actors of West Africa, un mouvement écologiste qui tend à préserver toute la partie ouest de l'Afrique, région dans laquelle se trouve justement Picsou. Nikimba est plus énigmatique, en dehors d'un footballer africain, on ne trouve rien de particulier autour de ce mot. Don Rosa n'ayant jamais démontré une quelconque passion pour ce sport dans ses oeuvres laisse donc ma théorie en suspend.

Il n'y a pas beaucoup d'information nous indiquant où se trouve précisément Picsou. On peut toutefois trouver un petit indice ici. Afin de l'humilier face au non respect des coutumes africaines, le chef Houla Lala et les membres du village l'enferme dans une peau de porc tout en le maquillant. D'après la photo, on pourrait croire qu'il s'agit de décoration. Il s'agit sans doute plutôt d'une peau de porc local tacheté que l'on ne trouve qu'en Ouganda. La région étant très riche en or et diamant, c'est tout à fait possible.

Dans ce long dossier, nous n'avons jamais eu l'occasion d'évoquer les célèbres favoris de Picsou. Très prisé des classes sociales supérieures, surtout au 19e siècle et début du 20e, les favoris sont des mèches de cheveux que l'on laisse pousser au niveau du visage. Chez les hommes (qui sont d'ailleurs les seuls à pouvoir en bénéficier), il s'agit en fait de la région qui sépare les cheveux de la barbe.

Je ne pouvais absolument pas faire l'impasse sur le célèbre et hilarant Bombie ! Comme on le découvre au fil cet épisode de La jeunesse de Picsou (on le retrouvera ensuite dans une oeuvre de Carl Barks, et via un clin d'oeil dans une autre oeuvre de Don Rosa), il s'agit d'un zombie. Les zombis sont, tout comme les momies des pharaons, devenus des célébrités du monde cinématographique et télévisuel. Aujourd'hui, leur mythologie en font soit des âmes damnées mortes brutalement qui ont soif de revanche et de sang, soit des êtres morts ramenés à la vie par une magie occulte malfaisante. Pourtant l'origine des zombies est tout autre, et se rapproche beaucoup plus de l'esclavage. En Haïti principalement, où le culte du vaudou est toujours très vivace, la création d'un zombie se passe ainsi : un prête vaudou fait boire un poison à sa victime. Sous son effet, elle tombe dans une sorte de mort apparente, et est ensuite enterrée vivante (gloup !). Un jour plus tard, la victime est déterré de sa tombe, le prête lui fait alors boire un autre poison (administré régulièrement) qui le ramène à la vie, mais lui hôte alors toute volonté propre. Prisonnier de son propre corps, la victime ainsi "zombifié" ne peut plus échapper au prêtre vaudou.

La poupée vaudou est sans aucun doute possible tout aussi célèbre, si ce n'est même plus, que les zombies. Le principe est assez simple, il suffit normalement de créer une poupée à l'effigie de sa victime, et après avoir lancé une formule occulte, il devient possible de torturer sa victime à distance. Dans le folklore plus réel, la poupée vaudou permet aussi de guérir certaines maladies ou troubles, de la même manière qu'un magnétiseur est capable de soulager des douleurs avec ses mains.

On ne l'a jamais vu monter à bord, mais au vue de sa fortune déjà colossale, il était évident que Don Rosa allait forcément évoquer deux des plus grands mythes des transports terrestre et maritime. L'Orient-Express est sans doute possible le train le plus célèbre au monde, particulièrement popularisé par Agatha Christie en 1934 dans le roman « Le crime de l'Orient Express » où Hercule Poirot devait enquêter sur une mort mystérieuse dans ce train. L'Orient-Express assurait autrefois la liaison entre Paris et l'Europe de l'est, il passait ainsi par Munich, Vienne, Budapest, Bucarest et enfin Istanbul. Extrêmement luxueux, ce train fut emprunté par les plus grandes fortunes de l'époque ainsi que plusieurs têtes couronnées. A l'image des célèbres trains du Far West américain, l'Orient Express a connu de nombreuses péripéties : crimes, attaques et même prises d'otages. Le mythe de l'Orient Express s'éteindra finalement en 1977, il était devenu impossible de rivaliser avec l'avion et le bateau, sans compter les tracasseries douanières durant la Guerre Froide. L'Orient Express renait finalement en 1982 sous l'appellation Venise Simplon Orient Express, mais assure plus des voyages touristiques de luxe qu'un vrai transport comme à ses origines.

Je n'ai absolument rien trouvé évoquant cette curieuse vente de tondeuse au Sahara, si ce n'est un certain humour de l'auteur face à l'absence totale de gazon dans cette région. La première véritable tondeuse remonte à 1931 où l'ingénieur britannique Edwin Bear Budding dépose un brevet le 31 août pour un engin capable de découper le gazon de façon mécanique. Son engin était si gros que deux personnes étaient nécessaires pour la déplacer.

L'évocation du sel en Égypte est par contre tout à fait réaliste. Déjà à l'époque du règne des Lagides (330 av. JC), l'Égypte produisait une importante quantité de sel domestique qui provenait soit de mines de sel, soit de lacs, soit de marais salants. La quantité de sel produit était tellement importante qu'elle pouvait servir de monnaie d'échange, et il existait même une taxe sur le sel que tout le monde devait payer (hormis les enfants).

Le temps file à une vitesse folle, il faut dire que ce sont 27 années que résume Don Rosa dans ce 11e épisode. J'ignore donc à quel moment Picsou se retrouve à Amsterdam. Il ne fait en effet aucun doute qu'il se situe là-bas, et même en l'absence du journal portant le nom de la ville, on l'aurait facilement deviné. Il subsiste encore de nos jours plus de 1000 moulins au Pays-Bas, réparti entre ceux qui fonctionnent à l'air, et ceux qui utilise l'eau. Devenu le symbole même de la Hollande (tout comme la tulipe qui lui est souvent aussi associé), à tel point d'ailleurs que les moulins sont passés dans le langage courant. De nombreuses expressions et des proverbes hollandais en regorgent ! On raconte même qu'à l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, les habitants étaient avertis de frappes ennemis grâce à la position particulière des pales des moulins, et permettaient également de transmettre des messages codés.

Nous sommes désormais le 6 avril 1909 au nord du Groenland. Picsou tente de marchander l'achat du pôle Nord à Robert Peary afin de faire payer une taxe sur l'utilisation des boussoles (peine perdue sachant qu'une boussole pointe vers le nord magnétique). Dans notre histoire réelle, Robert Peary est considéré comme le premier à avoir atteint le pôle Nord, bien qu'une polémique est longtemps contredit ce fait (la justice ayant finalement tranché en sa faveur). Dans La jeunesse de Picsou, ce n'est ni Frederick Cook, ni Robert Peary mais bel et bien l'intrépide Balthazar Picsou !

Don Rosa, pourtant très scrupuleux dans la continuité des dates, commet ici une étonnante boulette. Nous revenons en effet en arrière de quelques années puisque Picsou semble arriver en Russie soit pendant la révolution russe de 1905, soit celle de 1917. En mettant de côté la cohérence narrative voulu pour ces souvenirs, il reste toutefois évident qu'il s'agit ici de la révolution de 1905, où Picsou rencontre Nicolas II. Son destin sera malheureusement tragique, et on le connait aussi de nos jours pour l'une de ses filles Anastasia. Nous savons aujourd'hui que la malheureuse ne survécut jamais, et ce fut l'une des plus grandes supercheries du XXe siècle. Pour ce qui nous concerne plus spécifiquement ici, la révolution russe de 1905 est provoquée suite à un profond désaccords entre le Tzar et la classe ouvrière. Elle trouvera son paroxysme en 1917.

Les oeufs de Fabergé sont nés d'une tradition lancée par Alexandre III, alors Tzar de Russie. Voulant offrir à sa femme un cadeau original pour Pâques 1885, il demande au joaillier Pierre-Karl Fabergé de confectionner un oeuf, s'ouvrant en deux et renfermant à l'intérieur un cadeau (Ne cherchez pas très loin d'où est venue l'idée des Kinder Suprises en 1971 !). Appréciant considérablement ce cadeau (En émail à l'extérieur ressemblant véritablement à un oeuf, et en or à l'intérieur avec une petite poule multicolore), il renouvèle ensuite chaque année la tradition. Son fils Nicolas II fera ensuite de même. Au total 52 oeufs ont été fabriqué par Fabergé, dont certains conçus pour des personnes ne reculant pas devant le prix, mais seulement 42 d'entre eux sont parvenus jusqu'à nous.

La légende veut que le premier oeuf de Fabergé fut élaboré par Alexandre III à partir de celui détenu par la princesse Wilhelmine Marie de Danemark. On ignore d'ailleurs totalement de nos jours à quoi pouvait bien ressembler cet oeuf mystérieux, mais Don Rosa s'inspira de cette légende pour exploiter le rubis strié et mettre temporairement fin à la carrière de Bombie le Zombi (avant que Donald ne le rencontre bien des années plus tard).

Nous retrouvons désormais Picsou qui semble enfin se décider à rentrer chez lui. Nous sommes le 14 avril 1912, il est environ 23h40 car celui-ci déambule sur le plus célèbre paquebot du monde : le RMS Titanic. Sur le pont supérieur, c'est John Jacob Astor IV qui tente désemparement de négocier l'achat du rubis strié à Picsou.

L'une des plus pires catastrophes maritimes du XXe siècle qui fit des milliers de morts, inspira notre artiste qui a décidé ici de remanier légèrement la réalité, et réussit en même temps un vrai tour de force narratif. La catastrophe du Titanic est ainsi provoquée par la folie passagère de Picsou. Sa mauvaise action en Afrique fait en effet dériver l'iceberg fatidique contenant Bombie congelé à l'intérieur vers Picsou, la malédiction de Houla Lala ayant finit par le rattraper. Malheureusement, Picsou ne se rachète ici pas du tout une conscience, bien au contraire. Il repart en effet de plus belle vers de nouvelles aventures pour continuer sa quête : s'enrichir et devenir le plus riche du monde.

On le retrouve alors aux Caraïbes. Ce n'est d'ailleurs pas si étonnant, et il y reviendra d'ailleurs à plusieurs reprises. Il faut dire que la région regorges de mythes mettant en scène de célèbres pirates en tout genre. De nombreuses épaves gisent par le fonds dans ces eaux, regorgeant quelque fois d'or ou d'argent. En Antilles par exemple, et autour de Saint Eustache notamment, ce sont des centaines d'épaves que les plongeurs admirent encore de nos jours. C'est d'ailleurs devenu l'une des plus importantes attractions touristiques dans les Caraïbes. Bien évidemment, aujourd'hui c'est beaucoup plus pour découvrir les coraux, la faune et la flore qui s'y sont installés, que pour découvrir de fabuleuses richesses disparues.

Picsou poursuit ses aventures en Amazonie, pour ne pas manquer d'être parmi les premiers à voir le potentiel des hévéas. Ces arbres originaires de la forêt amazonienne sont en effet utilisé pour récolter le latex, matière élastique qui a une importante utilité de nos jours.

Là, faute d'Anaconda (c'est Donald qui en croisera un dans une autre oeuvre de Don Rosa) il croise un immense crocodile. En dehors du fait que ce soit un animal typique de la région, je pense que le choix de Don Rosa pour cet animal vient peut-être du mythe des « larmes de crocodiles ». Aux 18e siècle par exemple, des colonies espagnoles racontaient en effet que les humains étaient un plat de choix des crocodiles. Capable de rattraper un homme qui court, il était encore plus redoutable dans l'eau. Un fois que le crocodile avait capturé et avalé sa proie, les espagnols prétendaient qu'ils pleuraient. Une autre explication est possible pour le choix de ces crocodiles : il y a 20 millions d'années aurait en effet existé un crocodile géant dans cette région de l'Amazonie, le purussaurus.

Ce n'est pas montré dans La jeunesse de Picsou, mais il est fort à parier que Picsou a aussi séjourné en Indonésie, c'est en effet dans ce 11e épisode que Picsou adopte sa désormais boisson favorite : le thé à la muscade. Les muscadiers sont en effet originaire d'Indonésie, et sa graine une fois moulu devient une épice très appréciée et s'accommode parfaitement avec le thé.

Le mythe d'El Dorado rejoint en grande partie l'histoire de Pizarro qui a été évoquée dans la 4e partie de ce dossier. Toutefois celle de « l'homme d'or » vient des Incas, où du moins de la façon dont leur coutume était perçue par les espagnols. Lors de certains rites spirituels, un homme se recouvrait en effet de fine particules d'or sur tout le corps, et se plongeait dans un lac. Autour de lui, ses concitoyens jetaient des objets de valeurs dans l'eau. Les conquistadors espagnols fondent alors cette légende avec une autre tout aussi célèbre : les 7 fabuleuses cités d'or de Cibola.

Picsou poursuit son périple, et fait transporter son or dans le célèbre Badhdad Railway probablement en 1918 (nous ne savons en effet rien sur les activités de Picsou pendant la Première Guerre Mondiale). Une ligne de plus de 1600 km qui reliait Bagdad à Konya (Turquie) entre 1903 et 1940 et dont la construction était principalement financée par l'Allemagne. Son point le plus haut culmine à près de 1500m et traverse tunnels, viaduc et ponts en tout genre. Le malheureux Picsou se fait légèrement bousculer par la guérilla Arabe, et il se découvre au passage une nouvelle passion.

Nous le retrouvons à présent en Mongolie dans le désert de Gobi. Région réputée particulièrement hostile durant les années 1920, elle fut le théâtre d'une découverte exceptionnelle par Roy Chapman Andrews en 1922 : le gisement d'os de dinosaures d'Erenhot. Roy Chapman Andrew fut un célèbre paléontologue aventurier, qui n'hésita pas à braver tempêtes et bandits. Son prestige inspira bien des années plus tard dans la tête d'un jeune Steven Spielberg un certain Indiana Jones. Sachant également à quel point la personnalité de ce dernier a aussi été façonné grâce aux nombreuses oeuvres de Carl Barks, le parallèle est très frappant dans cette minuscule vignette de l'oeuvre !

Rien ne me permet de dire pour quelle raison Picsou finit son périple à Pékin en compagnie de Mongols (On sait juste dans une oeuvre de Carl Barks que Picsou roule dans la farine une bande de Mongols). La Chine est particulièrement agitée dans les années 1920, et de nombreux troubles politiques s'y déroule. A moins qu'il s'agisse d'une référence à une oeuvre de Carl Barks que je ne connais pas, je ne peux donc avancer ici aucune explication. Si ce n'est la présence de sites historiques prestigieux comme la Cité Interdite, le Temple du Ciel ou la Grande Muraille.

On le sait déjà dans une oeuvre de Carl Barks, Picsou est capable de dresser des cormorans. Don Rosa y fait ici directement référence. Dans les deux cas, le dressage des cormorans est bel et bien une réalité, mais uniquement pour pêcher des poissons. En Asie notamment, les cormorans reviennent auprès de leur maitre pour apporter leur prise. Beaucoup plus intéressé par les ressources financières, Picsou préfère évidemment les dresser à pêcher des huitres perlières.

Picsou termine son périple hors des États-Unis dans le Pacifique Sud. Il tente de négocier l'achat de noix de coco qui seraient originaires de cette région. Faute de trouver un accord, on lui propose d'acheter des éponges. Contrairement à nos éponges domestiques, celle-ci sont des animaux vivant dont le squelette une fois séché a une capacité absorbante correspondant à plus de 20 fois sa taille normale. Autrefois, elles étaient récupérées à main nue et en apnée, avant que les équipement de plongée viennent moderniser le tout.

Les petits détails graphiques et humoristique sont assez rare dans cet épisode. On peut toutefois distinguer un bien curieux crabe aux yeux exorbités très amusant. Il s'agit probablement d'un Ocypode qui possède effectivement un semblant d'yeux de ce genre.

Picsou termine son périple en retournant aux États-Unis en 1929 au moment de la plus grave crise boursière du début du 20e siècle : le krach de Wall Street. Je ne reviendrais pas plus sur cet événement qui est décrit dans tous les livres d'économie et dont tout le monde a au moins une fois entendu parler.

En 1930, Balthazar Picsou revient définitivement à Donaldville. Il ne la quittera ensuite jusqu'à la fin de la saga de Don Rosa. A cet honneur, le maire de la petite bourgade devenu métropole lui remet la clef de la ville. La « clef de la ville » est un symbole qui remonte déjà à l'antiquité. Façonnée spécifiquement pour une personne ayant beaucoup oeuvré à la construction, au développement ou au prestige d'une ville, elle est remise à l'intéressé pendant une cérémonie. Visiblement, Picsou n'est pas du tout ému par le geste, puisqu'il considère que Donaldville n'existerait pas sans lui.

Épisode 12 : L'homme le plus riche du monde

L'épisode 12 de La jeunesse de Picsou est dépourvu de toute référence à la réalité, à une seule exception près : Noël ! Le Père Noël d'abord est devenu le symbole des fêtes de Noël dans le monde entier. Sans aucun doute dérivée de Saint Nicolas qui est désormais associé à la fête des enfants le 6 décembre dans les pays scandinaves, il est loin d'être le seul en existence dans le monde. En Russie par exemple, il existe aussi le Père Blanc qui apporte des cadeaux dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Le Père Noël a connu dans sa carrière de nombreux costumes, passant du vert au bleu et au rouge. Mais c'est à partir de 1931 que l'entreprise Coca Cola le popularise dans une grande campagne publicitaire. Le succès est tel que dans l'inconscient collectif, le Père Noël va y adopter sa carrure définitive : gros bonhomme enjoué portant une longue barbe blanche et des lunettes, sa tenue rouge et blanche, sa ceinture et ses bottes ainsi que son tout aussi célèbre traineau tiré par des rênes.

La seconde et dernière référence de cet épisode va à Tino Rossi. C'est en effet en 1946 qu'il interpréta l'une de ces chansons les plus célèbres : Petit Papa Noël. Véritable phénomène de société, aujourd'hui encore, ce titre a connu indénombrables interprétations différentes autant en français que dans les autres langues. Et comble de l'ironie, c'est toujours la version de Tino Rossi qui se vent le mieux et qui est la plus entendue chaque année pendant la période de Noël !

Épisode 0 : Canards, centimes et destinées

L'épisode 0 est la conclusion naturelle de La jeunesse de Picsou, écrit comme un véritable retour en arrière, elle permet à la fois d'écrire une savoureuse aventure mettant en scène Miss Tick (le seul personnage emblématique qui n'avait pas pu être inclus dans les 12 épisodes), et de revenir aux sources de la saga. Il me permet donc aussi de revenir sur quelques informations que j'avais volontaire omise au tout début de ce dossier !

Commençons donc par la ville de Glasgow. Nous l'avons en effet très vaguement aperçue dans le premier épisode. De nos jours, Glasgow est la ville la plus importante d'Écosse. Elle doit son expansion grâce aux échanges commerciaux envers l'Angleterre et les États-Unis dès le 18e siècle. A partir du 19e siècle, la ville s'industrialise et s'accroit d'autant plus. Elle se spécialise alors dans la construction navale et de locomotives. Et si Don Rosa ne donne absolument aucun indice, on peut clairement supposer que Fergus McPicsou est un employé dans la construction de bateau, inspirant ainsi à son unique fils son pied marin (dont les aptitudes naturelles lui sont utiles dans les épisodes 2 et 3bis par exemple).

Nous redécouvrons ici pour la seconde fois dans la saga Howard Flairsou, pas encore marié à son acariâtre épouse et père d'un enfant gâté John Flairsou (Épisode 4). Il nous apprend ici qu'il a fait fortune en Amérique lors d'une ruée vers l'or de 1849. On l'a connait de nos jours sous le surnom de ruée des « Forty Niners » et est une pierre centrale de la conquête de l'ouest américain. Cette ruée vers l'or commença dès 1848 lors de la découverte d'un filon d'or dans une petite scierie détenue par John Sutter en Californie. La région fut dès lors le théâtre d'une ruée massive de prospecteurs, changeant considérablement l'aspect de la Californie. Première grande ruée ver l'or des États-Unis, ce fut grâce à elle que de nombreux lois et décrets furent élaborés, et permit d'aboutir en 1871 à la loi du General Mining Act, qui fut ensuite appliquée à tous les ruées vers l'or d'Amérique qui lui succédèrent.

Je ne pouvais enfin terminer ce long dossier sur un petit bout de métal essentiel : le célèbre sou fétiche de Picsou ! Il s'agit tout simplement d'un pièce de 10 cents de dollar de 1871 (un dixième de 1 dollar), surnommé un dime. Avant l'arrivée du dollar des monnaies espagnoles, françaises anglaises ou créé par des particuliers (!) se côtoyaient. Afin d'uniformiser tout ça, un monnaie unique était devenue nécessaire. On ignore de nos jours quand fut créé le premier dollar américain, on sait par contre qu'il fut adopté par le Congrès américain le 4 avril 1792, pour devenir la monnaie nationale des États-Unis Dans un premier temps, seuls des billets de 1, 2, 5, 10, 20, 50 et 100 dollars furent mis en circulation. Ce n'est qu'à partir de 1793 que les premières pièces firent leur apparition, elles furent toutes frappées à Philadelphie et répartit en 5 catégories : 1c « penny », 5c « nickel », 10c « dime », 25c « quarter » et 50c « half dollar ». La pièce que récupère Picsou est ici un dime de 1877. Deux versions du dime existait en 1877 : une en or tirée à 2 340 000 exemplaires, l'autre en argent tirée à 7 700 000 exemplaires. Toutes les deux avaient sur un côté les mots « United States of America 1877 » entourant le symbole de la liberté assise, et sur l'autre une couronne de laurier entourant les mots « One Dime ». Rien ne permet de savoir laquelle des deux Picsou finit par recevoir : celle en or ou celle en argent ? Les deux pouvant être associé à Picsou vis à vis de son coeur d'or et de son âme d'argent. A nous donc de trancher la question.

Conclusion

Voici qui termine ce long dossier qui aura mis presque un an à voir le jour. J'espère que vous l'avez grandement apprécié et que vous verrez désormais La jeunesse de Picsou sous un nouveau jour lorsque vous la relirez. Bien que ce dossier soit extrêmement long et riche en anecdotes, je n'ai volontairement pas approfondi laissant libre court, à vous lecteur, de poursuivre ses recherches et découvrir à quel point cette oeuvre magistrale est définitivement ancrée dans notre réalité. Remercions une dernière fois le somptueux talent d'historien de Don Rosa !

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Olivier J.H. Kosinski - 21 juin 2011